FEAT. Santiago Kidd

Ethan s'emmerde. Deux putains de jours qu'il bosse sur ce rapport. Et il stagne. Clairement. Il maudit Santiago de l'avoir planté là à la fin de l'enquête pour partir en vacances. Pas longtemps, certes, mais juste assez pour l'embêter. Foutu cubano-irlandais. Ou irlando-cubain.
En désespoir de cause, il a vidé tout le paquet de noisettes qui trainait au fond de son tiroir, entre la plaquette de chocolat, le blanco, les stylos, les bloc-notes et les barres chocolatées. Et il est en bonne voie pour terminer celui de mini-marshmallows qui trône à côté de l'écran de son ordinateur. Le tout en tapant trois mots à la minute de la main gauche et en lançant une balle de tennis contre le mur en un geste morne et répétitif de la droite, inlassablement depuis qu'il est arrivé.
Y'a de quoi rendre cinglé les gens autour, mais il s'en cogne. Enfin, il s'en cogne tant que personne ne vient lui hurler dessus, lui voler sa balle ou le frapper avec un dossier.
Et pire encore, depuis qu'il s'est assis dans son fauteuil, il fredonne un air lancinant et stupide. Bon, pas trop fort, certes, mais... Ça doit bien faire une demi heure, au bas mot, qu'il est planté là, à faire chier le monde parce que le monde le fait chier.
Alors quand il aperçoit son coéquipier, qui revient bien gentiment trainer ses basques au commissariat, frais et dispo, il ne peut s'empêcher de soupirer de soulagement, un sourire presque ironique aux lèvres.

-Tu peux pas savoir à quel point tu m'as manqué Tac.

Il lui lance la balle, presque violemment, mais il est certain que Thiago la réceptionnera sans problème. Au pire, elle traversera tout le couloir, quelqu'un marchera dessus et se pètera le coccyx en roulant dessus. Rien d'insurmontable en somme.

-Tu vas pouvoir m'aider sur le rapport, maintenant que tu as fini de te rouler les pouces des doigts de pieds au soleil. C'était bien ?

Il se redresse un peu, tourne le paquet de bonbons vers son coéquipier et lui sourit avec gentillesse.

FEAT. Ethan Sanders


Santiago avait profité de sa semaine de vacances. Une semaine entière sans avoir à penser à toutes ces enquêtes sordides. Bon, en fait, il y pensait toujours un peu. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Après tout, il avait prêté serment de protéger et servir cette ville. Ce n'était pas une promesse qui se faisait à la légère. Mais il avait pris du temps pour lui. Basiquement, ça avait consisté à faire plusieurs voyages dans différentes casses pour trouver des pièces à sa bécane. Une semaine passée les doigts dans le cambouis. Courir un peu. Prendre des nouvelles des anciens avec qui il avait bossé, ou été déployé.

Forcément, retourner au bureau, ce n'était pas le gros kiffe. Même s'il adorait son travail. Enfin, au moins, il avait pris une bonne bouffée d'air frais - saturé d'odeur d'huile de moteur et d'essence brûlée - avant de s'apprêter à replonger dans toute la misère de la ville. Tout ça pour retrouver son coéquipier. Le Tic de son Tac. Son mangeur de noisettes favoris. En bref, Ethan Sanders. Qui avait dû faire vivre un enfer au reste du département en son absence. Il attrapa la balle lancée en sa direction.

« Tu peux pas savoir comment j'étais tranquille, Tic ! »

Il sourit avant de lui relancer la balle. Il accrocha sa veste au porte manteau. Et sortit un sachet de noisettes qu'il lança à Ethan avec un grand sourire.

« Je me suis dit que de désespoir, t'avais dû vider toutes tes réserves. Alors, j't'amène de quoi tenir le coup. »

Sans déconner, comment il faisait pour bouffer autant ?

« Au soleil ? J'ai l'air d'être allé à Cuba pour les vacances ? »

Il rit.

« C'était sympa ouais. Si tu prends en compte que j'ai failli m'empoisonner en bossant sur ma bécane. Pour information, ne laisse jamais trainer ton mug de café quand tu fais une vidange. »

Il piqua un bonbon dans le sachet pour la forme.

« T'es perdu sans moi, c'est ça ? Montre, t'en es où ? »

Mmmh, une reprise en mode paperasse. Ses préférées. Quelle torture.

FEAT. Santiago Kidd

-Oh si, j'imagine bien. Tu as dû friser l'ennui sans ma présence.

En réalité, il s'en doute bien, qu'il était tranquille. Il sait qu'il est insupportable et que même si Thiag l'aime bien, passer toute une semaine sans l'entendre chanter ou sans se faire taquiner a dû être une véritable bénédiction pour lui.
Ethan réceptionne habilement la balle et la lance de nouveau à son coéquipier pour attraper le paquet de noisettes in extremis. La bouffe, c'est sacré. Et bien plus important que la sphère en plastique recouverte de moquette jaune pelucheuse.
Ses yeux légèrement agrandis par la surprise pétillent. Des noisettes, toutes fraiches. Juste à temps. La fin du monde est évitée de justesse grâce au cubain.

-Épouse moi Tac.

Un sourire en coin étire ses lèvres.

-Tu viens de faire chavirer mon coeur une fois de trop, je vais mourir d'extase.

Il rit. Peut être bien qu'il serait capable de vénérer Santiago pour le restant de ses jours juste pour l'avoir réapprovisionné en antidépresseurs. Mais ce n'est pas une si bonne idée, il risquerait de le faire fuir.

-T'aurais pu hein, j'en sais rien moi ! Après tout, tu viens à moitié de là-bas.

Son sourire s'élargit légèrement.

-Dommage que tu aies loupé ton coup. Sérieux... J'aurais pu changer de partenaire. Ca aurait été sympa de voir une nouvelle tête et enfin quelqu'un de compétent. Et qui ne bouffe pas tous mes bonbons, mes fruits-secs et mes kit kat, mes twix et tout ça. il balance, méchamment moqueur.

Il s'esclaffe, avant de reprendre enfin son sérieux. Du moins, un semblant de sérieux. Il lui désigne l'écran.

-Là, à l'arrestation. Ca fait une demi heure que je dois pondre trois mots en cinq minutes tellement je suis inspiré, tu vois.

Il pousse son fauteuil pour laisse de la place à celui de son Tac.

-Je sais pas comment formuler de façon suggestive mais compréhensible et politiquement correcte qu'on l'a trouvé dans son bain à faire mumuse et qu'on a dû l'habiller nous même pour éviter de l'embarquer à poil tu vois. C’a été n’importe quoi du début à la fin cette enquête. C'est compliqué de faire un rapport qui tienne la route. il grogne.