( in this story you are the hero )
A sa naissance, rien n’aurait pu présager que Sam serait une force de la nature. Il ne prétendra jamais avoir eu une vie difficile car il estimera toujours que d’autres connaissent pire comme destin. Il ne prétendra jamais avoir eu une enfance magique et idéale, car la perfection n’existe pas à ses yeux – et c’est tant mieux ! Il ne prétendra pas avoir été la fierté de son père, car il ne l’a jamais été. Il ne prétendra pas avoir connu sa mère, car il n’a jamais eu cette chance. Et si pendant des années son paternel lui a rappelé que ce fait était sa faute – elle est morte en couche – il s’est toujours promis de ne jamais laisser la culpabilité prendre le dessus. C’est principalement grâce à son grand-père – feu Donovan, le père de sa mère – qui a toujours su réparer les dégâts de Père Haynes. Sam aurait pu se laisser affaiblir par les propos durs et violents de son père, il aurait pu se laisser abattre par la honte d’être né et d’avoir tué sa propre mère, mais grâce à ce grand-père irlandais, il a su se forger une carapace aux critiques de son paternel et d’utiliser ses défauts comme ses erreurs comme une force. Et ça réussit ! « Hé bien, on ne dirait pas que ton père te manque, toi. Je t’ai élevé, je t’ai gardé sous mon toit malgré ce que tu m’as fait, et c’est comme ça que tu me remercies ? Quelle ingratitude, » marmonne son père, aigri et furieux. Sam ne se rebelle jamais contre son père. Il ne s’énerve jamais. Il ne lui répond jamais. Pas parce qu’il en est incapable – il boue à chaque parole et rêve de l’envoyer bouler – mais par respect. Oui, par respect pour l’homme que sa mère a aimé autrefois et pour l’homme qui l’a élevé, comme il lui rappelle si bien. Sam a des principes et des valeurs que beaucoup partagent, mais que peu pratiquent. Son père a beau être un véritable enfoiré de première, il ne lui tournera jamais le dos. Car il est sa famille, son sang, et qu’il lui doit le respect quoiqu’il en coûte. « Et qu’est-ce que tu veux que j’en fasse de ce truc ? » demande son père, dédaignant le présent que son fils lui fait sous forme d’un téléphone sous forme d’un téléphone portable. « A défaut de venir te voir plus souvent, comme tu me le reproches à chaque fois, je pourrais au moins t’appeler. Et tu pourrais, toi aussi, m’appeler de temps en temps. Voilà, ce que tu peux en faire, » répond-il patiemment, sans élever la voix mais l’air las. La seule réponse qu’il obtient est un haussement d’épaule, accompagné d’une grimace désagréable. Dieu l’en préserve, il refuse catégoriquement de devenir cet homme.

Alors il a fait un choix il y a bien longtemps. Dans la vie, il aurait toujours le choix. Le choix de faire l’armée. Le choix de poursuivre la voie qu’il désire. Le choix de ses amis. Le choix de qui entre dans sa vie, qui en sort. Le choix de faire ce qu’il lui plait – dangereux ou non. Le choix d’expérimenter, de faire des erreurs et de réussir. Le choix de rire plutôt que de pleurer. Le choix d’être juste, loyal et franc plutôt que de suivre la société comme un mouton, et de ne rien dire pour ne pas vexer. Le choix d’aimer ou de détester. Le choix d’avoir une vie amoureuse tumultueuse, ou de tomber amoureux. Et ainsi, il a trouvé un certain équilibre et un certain bonheur, bonheur que beaucoup d’autres ne semblent pas arriver à saisir. « Tu sais, gros, je t’envie. T’as toujours la pêche, toujours le sourire, toujours le mot pour déconner et faire oublier les soucis des autres… je ne sais pas comment tu fais. Moi, j’ai tendance à laisser les problèmes me submerger entièrement, » qu’un de ses amis lui a avoué un jour. « C’est parce que t’aime trop te plaindre et être plaint, » lui avait-il rétorqué en riant. « C’pas faux, mon salaud. Mais quand même. » « La vie est trop courte pour se prendre la tête. Et j’ai pas envie de perdre de temps, » avait-il simplement dit. A ses yeux, c’était aussi simple. Et ce même s’il perdait énormément de temps concernant Holly – mais ça, il refusait de l’admettre.

La gueule de bois est intense et lui vrille les tympans. Le simple fait d’ouvrir les yeux lui demande un effort incommensurable. La pièce tourne et il se dit que plus jamais, plus jamais il ne boira une goutte d’alcool. Avant de rire légèrement, sachant qu’il n’en ferait rien. « Oh bordel, » murmure-t-il en se retournant dans le lit et rencontre une jambe nue. Où était-il ? Avec qui était-il ? Mia, sans doute, pensa-t-il. Mia est sa petite copine actuelle, et la seule avec qui il se sente réellement bien. La seule qu’il s’imagine pouvoir vivre une chouette histoire – elle est drôle et délurée, comme lui, elle le comprend et elle l’accepte comme il est avec ses défauts. Que demander de plus ? Elle n’est certes pas Holly, mais pourquoi s’attarderait-il là-dessus ? Il grogne, trop difficile de dire quoique ce soit d’autre. Il tente de se rappeler ce qu’ils ont fait la veille, mais ça reste flou. « Mia… dis-moi que t’es vivante, » dit-il finalement, et une main se pose vaguement sur son visage, maladroitement comme pour le rassurer mais le bousculant malgré tout. « Ok, » dit-il en la repoussant légèrement avant de toucher une drôle de chose à son annulaire. Quelque chose de dure. Il entrouvre un œil, et fronce les sourcils en apercevant une bague. « C’est quoi ça ? » demande-t-il bêtement en s’approchant de la main de la jeune femme qui cherche à le repousser. « Tu t’es mariée avec qui ? » qu’il continue de demander bêtement, riant légèrement. Avant de stopper net, de beuguer et de grimacer tout en cherchant dans ses souvenirs. « Oh merde…. » finit-il par dire, tandis que la jeune femme se réveille et enfin et – comme si elle avait été piquée par une guêpe – parle fort et panique à voix haute. S’ils ont vite divorcé, car il leur est apparu clairement quelques semaines plus tard qu’ils étaient plus potes qu’amoureux, Sam aurait voulu croire en un avenir possible entre eux. Si cela ne pouvait pas marcher avec Mia, il pensait que cela ne marcherait avec personne. La preuve étant qu’à presque 40 ans – ok presque c’est exagéré – il était toujours célibataire et enchaînait les histoires sans lendemain. Il le vivait plutôt bien, cela dit, même si parfois l’envie de fonder une famille lui traversait l’esprit.

Le problème était qu’il était amoureux depuis toujours de la même fille – femme aujourd’hui – et qu’elle ne semblait pas éprouver la même chose que lui. Alors il s’était fait une raison. Il avait accepté l’idée de n’être que son meilleur ami, fidèle et loyal. Et son coéquipier – dans la vie comme dans le job.