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Io la sentivo ancora profondamente mia
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Luciano Gambino
Luciano Gambino
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La cruauté est essentielle si l’on veut conserver le pouvoir. Sans elle, on apparaît faible et les adversaires en profitent. Comme les chiens : celui qui aboie le plus fort devient le chef de meute. [Saviano]

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MessageIo la sentivo ancora profondamente mia  EmptyDim 19 Fév - 22:24

 



IO LA SENTIVO ANCORA PROFONDAMENTE MIA  

FEAT. LYLA



La colère en moins, j’aurais opiné du chef devant sa défense. Son altruisme envers les autres était une qualité agaçante qu’un plan machiavélique détourna du commun des mortels pour accentuer sa dévotion à mon égard. Or, je ne jouissais plus des bienfaits depuis longtemps déjà, sans quoi, je ne lutterais pas contre cette part de moi qui exigeait que je réclame mon dû égoïstement, histoire de laisser place à celle plus inquiète qui n’aspirait qu’à retrouver son épouse. Celle-là, elle n’attendait pas d’excuses, juste des explications. Elle était prête à tous les sacrifices et je me fiai à son discours aveuglément. Était-ce ça, grandir ? Était-ce une bonne chose ? Et, cette soudaine clémence, d’où me venait-elle ? De cet amour passionné et florissant de jour en jour qui nous caractérisait ? Non ! L'adorer n’impliquait pas que je m’oublie. En tant que femme, c’était son rôle, pas le mien. Je ne fixais pas les règles, je m’y pliais, en particulier lorsqu’elle m’arrangeait bien. Si je m’écrasais, notre couple ne serait plus qu’une tour penchant comme celle de Pise. Assurément, ce serait un beau monument, mais il n’en serait pas moins bancal et instable. N’était-ce pas le bon moment pour les détourner un peu la mécanique sexiste de notre société ? Mon fils ne méritait-il pas que ses parents s’adorent encore comme au premier jour ? Un regard sur son minois tracassé me confirma alors qu’il était à l’origine de cette soudaine mansuétude. Lyla n’y était pas étrangère non plus. Ma frustration n’atténuait en rien mes sentiments, mais aussi forts soient-ils, je n’avais pas souvenir, avant Ettore, d’avoir autrefois dépensé tant d’énergie à m’ouvrir une fois confronté à sa souffrance. Ce n’était pas du mépris, d’antan, juste une méthode efficace pour ne pas culpabiliser d’avoir été sourd à la sirène beuglant ses appels à l’aide, si tant est qu’elle hurle, ce qui était rare en soi. Elle espérait toujours que je devine. Aujourd’hui n’était pas une exception. Les enjeux étaient simplement différents. Nous n’étions plus les seuls à dépendre l’un de l’autre. L’équation de notre relation s’agrémentait d’une nouvelle inconnue qui nécessitait que l’on se penche sur nos problèmes avec plus de maturité.

J’organisai à l’arrachée un week-end que je ne regrettai pas le moins du monde. Loin de New York, loin de ses rues toutes identiques qui lui rappelaient sans doute la perte douloureuse de sa sœur, je vis ma femme sourire à nouveau. La grimace était triste, mais plus autant, moins intensément. Ettore lui faisait du bien et j’avais la prétention de croire que ma main dans la sienne l’aidait aussi. Je fus par ailleurs tenté de ne pas troubler ce semblant d’harmonie en ramenant sur le tapis les sujets fâcheux. Ceci étant, je ne perdais pas de vue que cette sérénité était factice et rendait cette conversation obligatoire. J’espérais simplement, en me jetant à l’eau, qu’elle n’oublie pas que ce serait aussi douloureux pour elle que pour moi. En résumé, que je ne m’employais pas à remuer le couteau dans la plaie, mais bien à l’enlever, quitte à provoquer une hémorragie. J’avais les armes pour panser la blessure. Je m’étais assuré d’avoir en poche des solutions à lui proposer. J’inspirai donc une bonne fois et j’entrepris d’atteindre mon objectif avec la minutie d’un chirurgien.

Je rassemblai tous mes talents d’orateur pour lui confier ce qui alourdissait mon cœur et je fus ravi qu’elle respecte assez la démarche pour ne pas m’interrompre avec emportement. C’était à mon tour, désormais, de l’écouter sans en perdre une miette. Elle les semait comme des cailloux pour ne pas égarer son chemin et je la suivais pour les ramasser avant qu’un oiseau de malheur ne les picore comme dans les contes cruels de notre enfance. Il pouvait s’habiller de tant de déguisement. L’injustice serait le premier et la mauvaise foi, le second. Elle ne me servit rien de tout ça. J’avais dès lors bon espoir que tout s’arrangerait entre nous, quoique, ce fut plus fort que moi, je m’autorisai une fois ou l’autre à dédramatiser certains de ses propos. « Ne pense pas ça. Je n’en suis pas arrivé au point de me dire que tu ne m’aimais plus, mais que tu étais en colère après moi. J’ai cru que j’avais fait quelque chose de vraiment terrible. J’ai imaginé que c’était en rapport avec ma mère pour tout t’avouer et je ne comprenais pas. Tu ne sais pas comment expliquer ce que tu ressens et je présume que c’est normal. » Compte tenu de son passé et de l’influence néfaste de Ruben, j’entendais qu’elle n’était pas rompue à l’exercice. « Mais, tu pourrais peut-être commencer par répondre à cette question : pourquoi tu serais méprisable ? Qu’est-ce que tu as fait pour penser ça ? Parce que, moi, je ne vois rien qui pourrait le justifier et je sais de quoi je parle, je vis avec toi. » Je lui souris en guise d’encouragement et pour lui manifester toute ma sincérité. « Lyla, c’est en étant trop fière pour me dire ou pour me rendre témoin de ta chute que tu tombes. Mon rôle, c’est d’empêcher que ça arrive. Ce n’est pas ce que tu as conseillé à Manuel quand ma sœur a eu son accident ? Qu’il devait se reprendre parce qu’elle aurait besoin de lui ? Pourquoi est-ce que tu t’obstines à faire comme si, toi, tu étais au-dessus de ça ? » Je manquai de lui préciser que ce genre de comportement provoquerait sa solitude. Le jour où ma sœur, dans un moment de colère, interpréterait son attitude en lui prêtant les traits de la prétention, elle s’en vexerait et je ne donnerais dès lors plus cher de leur amitié.

« C’est si difficile que ça, pour toi, d’avoir assez de foi en moi pour te soutenir ? Parce que, tu vois, ça ne fait qu’accentuer ma propre responsabilité par rapport à tout ce qui t’est arrivé et que je n’ai pas su éviter. J’ai besoin que tu me fasses confiance et je ne te le conseille pas par égoïsme, mais parce que je suis convaincu que ça te ferait du bien, à toi aussi, parce que moi, ça me rassure tous les jours de savoir que tu es derrière moi, quoique je fasse, de bon ou de mauvais, et que tu ne me juges pas, jamais. » Pas même lorsque je me comportai comme un infidèle. Elle pardonna. Elle chercha à comprendre, mais ne s’offusqua pas longtemps de mon manque de clarté et de ma bêtise injustifiée et surtout injustifiable. « C’est une des raisons qui m’a poussé à croire que si je te laissais la porte en grand, tu t’en irais. Je ne me sentais pas en sécurité, j’ai essayé de limiter la casse, même si je sais que j’ai déconné, que ce n’est pas une façon de traiter la femme qu’on aime. » On n’agissait pas mieux avec un chien qu’on lie à sa niche pour éviter qu’il fugue. Je m’excusai à nouveau et je lui jurai que ça ne se reproduirait plus, qu’importe qu’elle y mette du sien ou non ou qu’elle le mérite ou pas. « Et, par rapport à ma mère, je t’ai entendue. Comment j’aurais fait pour te donner un conseil ? Je n’ai pas cherché à prendre sa défense à elle, j’ai essayé d’éviter les problèmes. Je ne me désolidariserai jamais de toi, Lyla. Mais, tu imagines les conséquences pour nous si j’avais tapé scandale chez mon père pour une impression non vérifiée ? Tu ne peux pas me reprocher d’être pragmatique. Et tu ne peux pas non plus te servir de ça pour justifier tes silences. Enfin, si, tu peux, mais ça va nous apporter quoi ? »

Je ne le répèterai jamais assez, car c’était le cœur même du problème que son égo qui exigeait d’elle qu’elle se taise et qui me prouvait son terrible manque de confiance en moi. C’était presque logique. Je ne l’en blâmais pas. Je n’avais pas toujours été à la hauteur de mes propres promesses, celles que je m’étais faites à moi-même en assumant qu’elle était bien plus qu’une amie. Je n’avais jamais imaginé tomber amoureux ou me caser avant elle. Le mariage était bien loin de mes préoccupations. Une des conditions sine qua non pour prendre et offrir ce que nous désirions tous les deux, c’était de veiller à ce qu’elle ne souffre aucunement de ma mon destin de gangster et, autant j’étais conscient que Javier y était pour beaucoup dans son kidnapping, je n’admettais pas que mon statut lui sauva la vie. Je n’entendais que ces pleurs quand je la récupérais, tout comme les larmes qui roulaient désormais sur ses joues me paralysèrent. « Bébé… » l’interpellais-je en accrochant ses doigts au mien, mon bras traversant la table joliment dressée. « Tu ne seras jamais plus importante que moi à mes yeux. Ce que tu ressens, c’est aussi légitime que les émotions des autres. Ce n’est pas un concours de la souffrance, la vie. Tu perds tellement d’énergie à lutter contre tes sentiments, quels qu'il soit,  alors que tu règlerais bien plus vite le problème en acceptant qu’ils sont légitimes. Mais, tellement. » déclamais-je avec une infinie douceur. Je ne supportais pas qu’elle se réduise à si peu de choses, qu’elle se présente comme une voleuse d’âme, de vie, d’énergie, un vampire. « Ni toi ni moi n’avons le droit de décider de qui doit vivre ou non. » La remarque était un soupçon hypocrite. Je tuais sans scrupules et de sang-froid. L’enfer m’ouvrait ses portes. J’étais la brebis sacrifiée d’un Dieu de Lumière. La contrepartie, c’était cette survivante qui rendait ma vie terrestre plus douce. Mon paradis, il était ici, avec elle. Elle avait tant à apporter aux gens qu’elle chérit et qui l’aiment. Ça me désolait qu’elle puisse se mésestimer à ce point. J’en grimaçai, par dépit, secouant la tête, touché et ému par ses convictions.

« Bébé, tu es là pour une bonne raison. Dieu a des projets pour toi et c’est pour ça qu’il t’a sauvée. Ce n’est pas mon nom qui t’a épargnée, c’est ton instinct de survie, parce que tu n’as pas cherché à t’enfuir. Et ce n’est certainement pas quelque chose de mauvais est en toi. Qu’est-ce que je devrais dire, moi ? Tu as vu comment je gagne ma vie ? Tu veux que je te dise le nombre de fois où j’ai failli crever ? Et pourtant, je suis toujours là, pas parce que j’ai volé ma place, mais parce que je dois être là, c'est comme ça. Tu imagines, si je me posais les mêmes questions que toi ?  En revanche, je sais pourquoi toi, tu es là et pourquoi tu seras là longtemps encore. Parce que les gens que tu fréquentes gagnent à te connaître, parce que si tout le monde était comme toi, l’humanité irait bien mieux. Comment Dieu pourrait-il sacrifier quelqu’un comme toi au profit de… au profit d’autres âmes qui l’ont moins belle que la tienne ? » tentais-je en me redressant pour contourner la table, l’inviter à se lever et la serrer très fort dans mes bras. « Tu t’es tue parce que tu as un magnifique petit garçon. non ! Nous avons un magnifique petit garçon et qu’il est ta priorité et ça, c’est normal, plus que de sauver ta sœur. Lyla, sois honnête avec toi au lieu de te flageller. Si ton fils et ta sœur sont coincés dans des sables mouvants, qui en sortirais-tu ? » murmurais-je à son oreille avant de soulever son visage de mon index. « Et puis, je sais que ce n’est pas forcément valorisant pour toi, mais, j’aurais fait quoi sans toi ? » J’essuyai du pouce une larme qui roula sur sa joue. « J’ai besoin de toi. Tu me sauves de moi-même tous les jours, Lyla. Je n’ai jamais été aussi heureux que depuis que je te connais, même quand on traverse des moments difficiles. Peut-être que c’est pour ça, qu’on te donne tant de chance, pour contrebalancer avec le sacrifice que tu as fait en choisissant cette vie difficile avec moi, peut-être est-ce une façon que Dieu à trouver pour te remercier d’essayer de faire de l’engeance que je suis, non pas quelqu’un de bien, mais quelque chose de mieux qu’un cas désespéré. » J’ignorais si ce genre de discours serait véritablement en mesure de l’apaiser, mais ça valait le coup d’essayer, un peu comme ce baiser timide que je lui dérobai pour mieux la consoler.  


***

Après cette conversation, alors que nous étions forcés de refermer cette parenthèse à mille lieues de notre quotidien, je la laissai dépenser son énergie à ce qui lui convenait, bien que je n’y comprenais pas grand chose. Retaper une vieille bagnole, ça n’avait pas grand intérêt, mais ça paraissait l'apaiser. Je ne protestais donc pas. Je lui apportais même des pièces afin de lui faciliter la vie et, surtout, pour éviter qu’elle côtoie ce monde d’hommes. Ma jalousie n’y survivrait pas. Qu’elle travaille sur le domaine, en revanche, c’était plus rassurant. Ma famille veillait sur elle. Je la quittais sans trop d’angoisse. En général, elle se réveillait lorsqu’elle m’appelait à des moments improbables de la journée comme, par exemple, quand elle savait pertinemment que j’avais un rendez-vous important. C’était raire. En réalité, ce n’était arrivé qu’une seule fois et je m’en souviendrai une éternité. Sa voix était si nerveuse que je me précipitai à l’appartement sans saisir l'occasion de m’excuser auprès de mes convives par politesse. D’antan, ça m’aurait tracassé. J’aurais certainement pris mon téléphone pour expliquer mon attitude irrespectueuse. Aujourd’hui, tandis que la nouvelle m’assommait avec la violence d’un uppercut, je m’en fichais comme de ma première chemise. « Trois ans ? » répétais-je abasourdi. « C’est une vie… » Dit comme ça, c’était presque risible et j’en esquissai un sourire fat et vaniteux d’ailleurs. Je me penchai donc vers elle depuis mon divan. « Tu n’iras nulle part. Je vais faire mon maximum pour que ça n’arrive pas, alors ôte-moi de tes traits, fais-moi une jolie grimace et embrasse-moi comme jamais. Je vais aller voir mon père, j’ai besoin de courage. » J’étais à nouveau en odeur de sainteté, mais je détestais le solliciter, plus encore que si j’avais l’air confiance, je veillais à ne surtout pas lui promettre l’impensable.

Dans le fond, je n’ignorais pas que s’attaquer à la machine de l’armée était compliqué, même pour quelqu’un comme Ettore Sr. Gambino. Je me rassasiais uniquement d’un espoir un peu innocent que mon père balaya au terme de quelques jours d’un travail acharné. Après notre entrevue, je rentrai avant mon épouse avec l’impression d’être rendu fou par l’échec. Elle retrouva l’appartement à l’image de mes sentiments : dévastés. J’avais tout détruit de rage et d’impuissance. « Je ne lâcherai pas l’affaire, bébé. On ira voir qui tu voudras si ça peut te rassurer, famille, notaire, je ferai ce que tu me demandes, mais ce sera inutile. Il faut que ça le soit. Il n’est pas question que tu partes loin de nous. Je refuse que ça puisse arriver. » J’avais conservé en tête l’impact néfaste de mes larmes pour la retenir. Je me gardai bien de réitérer l’expérience devant témoin, aussi aimant soit-il. Je m’efforçais de jours les hommes forts les jours suivants. Quarante-huit heures avant son départ, je perdis pied. J’étais désormais la victime préférée de la colère, de la peur, de ma peine. « Je ne devrais pas te faire vivre tout ça. Tu devais t’attendre à beaucoup mieux. » Je l’avais habitué à bien plus de force. « Je vais devenir tellement fou sans toi pendant si longtemps » J’évitai d’ajouter que le petit serait perdu sans sa mère. Elle n’avait pas besoin de ça. Elle trouvait à peine le courage de me relever et ça n’avait rien d’étonnant. Elle lâcha prise et c’était mieux comme ça. Je me ressaisis aussitôt et rencontrai ma place d’homme de la maison en l’enlaçant tendrement, en l’embrassant passionnément. Ettore plus qu'assoupi, j’honorai ma dulcinée d’un ébat sans limites où mon désespoir se mua en douceur et en ferveur délicate. « On va la trouver cette solution. Je ne dormirais pas tant que je ne l’aurais pas entre les doigts. Je vendrai mon âme au Diable s’il le faut, mais jamais tu ne resteras loin de moi aussi longtemps. » attestais-je à nu de cœur et de corps tandis qu’elle se pressait contre moi. Rien de ce que nous fîmes les heures précédant son départ ne ressemblait de près ou de loin à des adieux. Je nous l’interdisais et je jouai au pitre jusqu’au moment où le car l’emmenant à des kilomètres s’efface derrière la ligne de l’horizon.  

Je dépéris à la minute même où son parfum ne titilla plus mes narines. Je végétai durant des jours à me demander quoi faire de ma peau. Je tentai bien de m’occuper de mon fils au mieux, mais j’abandonnai après un troisième essai infructueux pour le calmer. Je filai chez ma sœur, estimant ma mère trop culpabilisante pour mon moral. Elle ne m’aiderait en rien. La seule chose susceptible de me faire du bien alors que les heures s’égrainaient, c’était d’entendre le son de la voix de ma femme. Ça n’arriva que tard et la discussion fut trop courte. J’eus à peine le temps de lui demander où elle était et comment elle allait qu’elle était forcée de raccrocher. Petit à petit, et le soutien de Mani y était pour beaucoup, j’empruntai le chemin des affaires et celui de ma folie destructrice et meurtrière. Mon père, conscient que j’avais d’autres chats à fouetter que l’intendance, me fichait la paix et me laissait jouer aux hommes de main. Il se montrait compréhensif, assez pour que je déménage en terrain Herrera. Dans mon appartement complètement vide, je pétais les plombs. La Maruzella faisait également une marraine idéale pour mon bambin. Je me sentais un peu mieux là-bas. J’étais moins sujet à des crises de nerfs causées par la solitude et la lassitude d’espérer des coups de fil qui n’arrivaient jamais ou quand je n’étais pas là. Étais-je maudit ? Je priais chaque soir pour que la journée du lendemain m’offre le plaisir d’être charmé par son timbre chaud chatouillant mes tympans. Ce serait toujours impersonnel. L’écran ne favorisait pas le désir et ne comblait pas mon besoin de l'enlacer, mais ça aurait le mérite de me ragaillardir. J’étais tellement frustré que j’en serrais les poings à m’en blesser les paumes. Je jurai que ça n’arriverait plus grâce au concours de la Cinzia.

Je déboulai alors qu’elle m’informait par message qu’elle était, à l’autre bout du monde, mais qu’à défaut de la toucher, je pourrais au minimum lui parler. Quelle chance. Je n’étais pas bien loin. Moins de dix minutes plus tard, j’envahissais le salon et chassais gentiment ma cadette. « Ça va bébé ? »  m’enquis-je en m’installant à la place de ma sœur, essoufflé et caressant cette nouvelle barbe. Je me demandais bêtement si elle lui plairait ou si elle n’y verrait que la preuve de ma souffrance. « Tu pleures ? Pourquoi tu pleures, mon ange ? Dis-moi ? Il t’est arrivé quelque chose ? Quelqu’un t’a fait du mal ? Qu’est-ce que tu t’es fait à l’œil ? » J’enchaînai en m’inquiétant de l’endroit où elle était, de ce qu’elle faisait, de qui elle fréquentait. Ma possessivité était le cadet de mes soucis. Elle souffrait, mais j'ignorais sa complainte. Il y avait tellement pis que ça. Qu’est-ce que me vaudrait une dispute parce qu’elle côtoie des hommes du matin au soir si elle ne revenait pas ? « J’ai cru entendre en arrivant que tu aurais une permission. Quand ça ? Je suis pressé de te voir, tu as pas idée. J’ai vraiment hâte de pouvoir te prendre dans mes bras. » Je jetai un regard autour de moi, quoique je me moquais d’être entendu. Je fus néanmoins heureux d’être seul. La bienséance de Manuel et Cinzia était un réel réconfort.

« Tu sais, j’ai peut-être trouvé une solution pour que tu n’aies pas à repartir. Mon père a fait jouer ses relations. Tu pourrais être réformée pour raison de santé compte tenu de ton dossier et de ton kidnapping. J’ai pu obtenir des faux d’une psy qu’on… enfin, je te passe les détails… mais elle a accepté falsifier des documents. Elle te présente comme quelqu’un d’instable, mais je me suis dit que tu t’en foutrais que le monde te prenne pour une folle tant que tu pouvais être avec nous. Il y aurait jugement, mais en payant une caution, on devrait pouvoir éviter que la situation soit pire que celle que tu vis maintenant. » Sous-entendu, te garder à la maison moyennant quelques obligations qui seraient bien peu de choses. « Enfin, ce n’est pas encore sûr et certain, mais on y est presque. J’y travaille en tout cas. On y travaille tous. Tu me manques, tu sais. » Je tendis la main vers l’ordinateur comme un prisonnier qui cherche à toucher du bout des doigts la chair de son visiteur planté derrière sa vitre. C’était exactement ce que nous étions, des aliénés, à une échelle différente, mais à la souffrance commune et intense. « Mais, dis-moi tout, parle-moi de tes journées. Je veux tout savoir, même ce qui est difficile. Profite de ce que je suis là, plus ou moins, pour vider ton sac. »


***

Une semaine. Une toute petite semaine et je serais à nouveau à ces côtés. J’en rêvais. Je n’en dormais plus. Je consacrais tout mon temps libre à nous concocter des activités à deux, à trois ou à plusieurs afin de lui arracher de la tête tous ces souvenirs qui deviendraient plus tard ces démons, à moins que je parvienne à les maîtriser pour elle ou à l’aider à les contrôler. J’achetai un billet pour l’opéra, un autre pour un match de basket-ball, des tickets de cinéma, d’autres pour un parc d’attractions destiné aux enfants en bas âge. Chacune de nos journées était réglée au millimètre près, mais Lyla n’arrivera jamais. À la place, un homme endimanché dans un costume militaire de cérémonie m’annonça la plus ignoble et la plus redoutée des nouvelles. Elle avait disparu. « Comment ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Je ne suis pas sûr de bien comprendre. » Ils me rapportèrent les faits et, sans la présence d’Andy et de mon père à mes côtés, je les aurais tués de mes mains rageuses. Au lieu de ça, je me barricadai derrière un mur de silence. Ettore prit les commandes de la conversation. J’étais sourd, aveugle, inquiétant. Je quittai le domaine le cœur battant, mais l’âme inanimée. Ma mère essaya bien de me retenir, mais elle se confronta à un échec. Je roulai sans but durant des heures.

Mani, sans doute alerté par mes proches, me retrouva au studio porno, une bouteille à la main, un joint dans l’autre, complètement ivre mort, incapable de parler avec cohérence. Je ne l’accueillis pas comme un frère ou un ami, mais comme un homme en souffrance. Il dut m’assommer pour me ramener chez lui avec l’aide – du moins je le présumais de Jandro – je dormis trois jours sans interruption. Je ne mangeais plus. Je ne vivais pas, je survivais, jusqu’à ce que j'opte pour une possibilité aussi audacieuse que stupide de partir.  Elle respirait. J’en étais certain. Je jurais que je l’aurais ressenti si elle était morte, un peu comme Gabriele et Cinzia qui étaient connectés. On me prit pour un fou, mais je grimpai dans un avion séance tenante, un avion pour la Sicile. Ce serait le début de toute chose... pas seulement pour moi, mais pour mon couple, assurément.  




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Lyla Gambino
Lyla Gambino
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MessageIo la sentivo ancora profondamente mia  EmptyJeu 2 Mar - 21:38

 



IO LA SENTIVO ANCORA PROFONDAMENTE MIA  

ft le messie



Mes silences n’étaient pas la conséquence d’un manque de confiance en mon époux. Je lui confiai mes pires secrets, certes, par la force des choses, mais je le fis malgré tout parce que j’avais la conviction que nous pouvions nous relever de tout. Mais de manière générale, je ne parlais pas de ce que je ressentais, de ce qui me tourmentait et de ce qui se passait en moi. Ce n’était pas de la fausse pudeur, j’avais la certitude que ça n’intéressait personne, à l’image de ces qui vous saluent dans la rue, vous demandent comment vous allez et vous tournent le dos avant que vous n’ayez pu prononcer le moindre mot ou même penser à une réponse. Personne n’avait envie de savoir ce qui se passait dans ma tête, personne n’était intéressée et on me le répéta suffisamment pour que je finisse par l’intégrer. Bien sûr, ma famille était là mais ma mère jugeait en avoir fait assez sans pour autant se farcir mes confessions dont elle ne saurait que faire. Elle ne voulait pas se prendre une vague de culpabilité en pleine gueule et je ne lui jetais pas la pierre. Elle avait fait de son mieux, je le comprenais mieux que jamais maintenant que j’étais moi-même maman. Je savais que Lucky était une oreille attentive mais je n’ignorais pas qu’il avait beaucoup à faire, que ce soit pour son père, pour le reste de la famille ou même pour Mani et lui, leurs petites affaires avaient le vent en poupe et je ne voulais pas lui apporter de contrariétés supplémentaires. Et s’il était un soutien sans faille, je savais qu’il gérait difficilement la peine des autres, il n’était déjà pas bien doué avec la sienne. Je ne voulais pas ajouter de la culpabilité au malaise, devenir un problème plutôt qu’une solution et je choisis de me taire et de me débrouiller toute seule avec mes propres émotions. La vérité ? Je n’étais pas plus douée que lui pour gérer ce que je ressentais, il suffisait de penser au lendemain de notre nuit torride pour réaliser que je ne gérais rien du tout et peut-être même encore moins bien que lui. J’étais douée pour soutenir les autres et leur offrir de précieux conseils que je n’appliquais pas, pour la simple et bonne raison que je ne savais pas comment m’y prendre. Mon seul effort consista à dire à mon mari que je ne me sentais pas bien, ce qu’il dut mettre sur le compte de la gueule de bois ou bien du manque de sommeil mais j’étais d’humeur changeante et je fuyais la réalité avec tellement d’efforts que je ne me reconnaissais plus. Ca ne me ressemblait pas le moins du monde. Pourtant, dès qu’il était question de mettre des mots sur ce qui m’agitait, je séchais et je trouvais une bonne raison d’aller voir à quoi ressemblait cette nouvelle boîte ou ce nouveau bar pour ne surtout pas perdre mon temps à remuer toute cette merde. Jusqu’au point de non retour… La colère, c’était ma solution de facilité.


Je secouai la tête à la négative pour le détromper. Personne n’y était pour rien, à part moi, moi et mes longs silences sans la moindre explication. A sa question, mes yeux s’emplirent de larmes et je ne fus plus capable de le regarder dans les yeux. Je me sentais minable et tellement désemparée. « Je ne fais pas ça ! » me défendis-je, le visage recouvert de larmes et entre deux sanglots. « Bébé, je te jure que je… Je me dis seulement que tout le monde s’en fout, que ce n’est pas important… A cause de moi, des tas de gens sont morts mais je ne méritais pas plus qu’eux d’être encore là. Je ne méritais pas de … » J’éclatai en sanglots et je dus attendre quelques minutes avant d’être un peu plus calme et suffisamment intelligible pour reprendre. « Tu sais bien que je ne sais jamais dire ce qui ne va pas, je n’arrive pas à l’exprimer, alors je trouve d’autres façons. » Autrement dit, des solutions à court terme qui n’étaient d’aucune utilité. « J’ai entièrement confiance en toi, je ne veux juste pas être un poids pour toi, je ne veux pas que tu hésites à rentrer parce que je serais triste ou bien lasse ou bien je ne sais pas. Je ne veux pas, je ne le supporterais pas. Tu as tellement à gérer, tu as tellement à penser, je n’ai pas le droit d’être une source de soucis pour toi aussi. Moi, je dois te réconforter, je dois t’écouter et te soutenir, c’est comme ça et tu le fais aussi pour moi, tu crois en moi plus que n’importe qui ! » Je serrai sa main dans les miennes, me demandant si j’étais vraiment claire et si il comprendrait que c’était surtout la conséquence d’une peur de ne pas être à ma place, de déranger ou bien de devenir un encombrant et non plus une essentielle à son existence. Je baissai les yeux quand il remit sa mère sur le tapis et je m’excusai platement, je n’avais pas été en état de prendre du recul et de me montrer raisonnable mais on ne pouvait pas vraiment m’en vouloir, j’étais en processus de deuil sans le savoir. L’accalmie fut de courte durée puisque je me mis de nouveau à pleurer, peinant à me contrôler, me faisant l’effet d’être une véritable fontaine.



Je me retrouvai dans ses bras après sa magnifique déclaration, sanglotant comme une enfant, vidant mon quota de larmes que je gardais en stock depuis la mort de ma sœur. Je le serrai si fort que j’avais l’impression de l’étouffer de mon amour et de ma présence. « Ce n’est pas une vie difficile, pas du tout ! Je suis heureuse, avec toi, Lucky ! Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée ! Tu es quelqu’un de bien, quelqu’un d’exceptionnel, tu ne crois quand même pas que j’aurais épousé une engeance ? » plaisantai-je en trouvant le moyen de rire tout en reniflant, le bout du nez et les yeux rougis. « C’est très valorisant pour moi, Luciano. J’ai toujours rêvé de ce que tu m’offres mais dans mes rêves les plus fous, je n’avais pas la moitié de ce que tu m’offres ! Sans toi, je ne suis plus grand-chose. » Je lui murmurai à l’oreille que je l’aimais et je vins chercher ses lèvres. « Je ne veux plus que tu partes loin de moi, sinon je serais obligée de venir te chercher et de te punir avec une fessée de mon cru ! » Je ricanai et l’embrassai à nouveau, espérant que nous pourrions tourner la page et en écrire une nouvelle, plus sereine et joyeux. J’étais loin de me douter que la vie aurait un nouveau cadeau à me faire et qu’il ne serait pas vraiment à mon goût et encore moins à celui de mon époux.


***



Il fit naître un infime espoir quand il prit la situation à la rigolade en prétendant que ça n’arriverait pas, qu’on ne me laisserait pas partir au bout du monde pour Dieu seul savait quelle raison. Malheureusement, il ne put rien faire et je le compris en retrouvant l’appartement dans un état pitoyable. Je tentai de l’apaiser, l’embrassant et le couvrant de tendresse tandis qu’il me présentait des excuses dont je n’avais pas besoin. Je savais qu’il avait fait son possible, qu’il avait tout tenté, je ne lui en voulais pas le moins du monde. J’étais de toute façon trop agitée par la tristesse pour lui tenir rigueur de quoi que ce soit. Il m’arrivait de craquer en pleine journée sans trop savoir pourquoi, j’essayais de me reprendre rapidement mais il n’y avait que ses bras pour me consoler. Pourtant, il fallut prendre nos dispositions, avec le notaire, sa famille puis la mienne. Je tins à aller m’expliquer avec eux et je comptais demander à mon père de présenter à mon mari les excuses qu’il méritait. J’avais besoin d’être persuadée que Luciano serait entre de bonnes mains durant mon absence. J’avais passé la journée de la veille à cuisiner avec Girolama qui fondait en larmes dès qu’elle posait les yeux sur moi, levant les yeux et les mains au ciel en priant le bon Dieu de me ramener en vie. Ce fut une journée éprouvante et elles étaient toutes comme ça. Toutes. J’eus du mal à passer la porte de l’appartement de mes parents et ce fut encore plus compliqué de supporter le regard de ma mère. Pourtant, je ne me démontai pas. J’avais besoin que mes affaires soient en ordre, parce qu’au fond de moi, j’avais l’intime conviction que ce serait mon dernier voyage. J’avais parlé de ça si naturellement à Lucky, des semaines plus tôt, ce n’était pas un hasard. Il n’y en avait jamais. « Je ne suis pas là pour présenter des excuses à qui que ce soit. » commençai-je sentant que ma mère allait exploser sous peu. « On m’a rappelé pour une mission en Syrie, je dois partir la semaine prochaine. Je suis venue pour vous dire au revoir, je ne veux pas partir en étant fâchée avec vous. J’aurais besoin que vous preniez soin de ma famille. Et papa, j’aimerais que tu présentes tes excuses à Luciano, il va avoir besoin de toi en mon absence. Il va avoir besoin de tout le monde ! » Mon père était livide, il m’opposa que je n’aurais pas dû être rappelée, qu’on devait me laisser tranquille, que j’avais fait ma part tandis que les yeux de ma mère s’emplirent d’eau. Elle se leva pour aller pleurer dans la cuisine et je la rejoignis pour la prendre dans mes bras. « Je ne compte pas mourir là-bas, ma’, ça va aller ! » Elle me présenta ses excuses, me disant qu’elle avait perdu du temps bêtement et qu’elle m’aimait. Revirement auquel je ne m’attendais pas. Je ne sus quoi faire et je la serrai dans mes bras. Je les quittai en sachant qu’ils feraient leur possible pour aider mon mari et le soulager avec mon fils, autant que nécessaire. Me retrouver à manger chez Mani et Cinzia me fit du bien. Nous pûmes décompresser un peu, rire et penser à autre chose. Je me moquai gentiment de Mani et son envie de jardiner et ça se transforma en immense joute verbale qui se conclut par de grosses crises de rire. Ce fut notre façon d’exorciser notre peine et notre inquiétude.


Même si une fois que nous fûmes dans la voiture, l’amertume s’installa alors qu’un silence de mort régnait dans la voiture. « Je ne voudrais pas que tu oublies que je t’aime… J’veux dire, s’il m’arrivait quelque chose. Et j’aimerais que le petit se souvienne de moi, demain, je lui enregistrerai une vidéo, elle ne servira peut-être jamais mais je vais le faire… » Il était crispé, je le sentais sur le point d’avoir une nouvelle crise de folie destructrice et je posai ma main sur sa cuisse. « Tu te souviens de la fois où tu es venue me chercher en garde à vue ? J’étais complètement bourrée et je t’ai frappé avec ma pochette vide ! » J’éclatai de rire en me revoyant lui faire un doigt d’honneur, menottée. « C’était moi, pas Cinzia, qui avait dessiné cette bite énorme sur ta porte… Avoue qu’elle était vachement bien faite ! » Je ris à nouveau, ressortant tous les souvenirs que j’avais en magasin pour le détendre jusqu’à ce que nous rentrions et que je puisse le calmer d’une des seules façons efficaces à coup sûr. Puis le moment du départ approcha, je ne dormais plus, construisant ma carapace à la hâte pour être en mesure d’affronter et de supporter ce qui m’attendait là-bas. Je sus qu’il ne se passerait pas une minute sans que je sois en souffrance loin de ma famille, quand une folle envie de pleurer m’étreignit alors que je ne fus plus capable de les voir au loin. Sur le point de fondre en larmes, un abruti derrière fois se permit une remarque et je fus capable de refouler mes émotions pour le remettre à sa place avant de m’enfoncer dans le silence le plus total. Je pus passer un coup de fil rapide une fois arrivée puis ce fut le début d’un nouveau quotidien fait de souffrance, de sang et de terreur.


***


Personne n’avait le droit de dire que nous étions là, pour le commun des mortels, nous n’existions pas et pourtant, je dispensais des soins dans les ruines de cet hôpital syrien. Les premiers jours, j’eus un mal fou à encaisser les morts, les blessures insoignables, le manque de matériel, les cris, les pleurs, les larmes. Et puis je finis par faire les choses machinalement, comme un putain de robot. Je n’étais plus vraiment aux commandes, je n’étais plus vraiment moi, seulement un moyen de parvenir à une fin. Tous les soirs, on se réunissait entre collègues, allumant la musique pour ne pas entendre le bruit des bombes et des coups de feu. On m’avait conseillé de retirer mon alliance et ma bague de fiançailles pour les cacher et je me débrouillai pour les placer autour d’un fil qui ne me quittait jamais, posé là, contre mon cœur. Avant de me coucher, je sortais une photo de famille où on voyait mon fils et mon mari tout sourire et moi, j’avais l’air de quelqu’un d’autre. Parfois, je feuilletais ce petit album que j’avais pris avec moi et qui m’aidait à ne pas oublier qui j’étais, ce que j’étais et surtout, pour ne pas abandonner mon humanité sur le bas-côté, sans elle, je n’étais plus personne. Plus le temps passait et plus les regards devenaient hagards et tristes, ça me rappelait de mauvais souvenirs. Le plus souvent, je restais dans mon coin pour penser aux miens quand je ne papotais pas avec certains d’entre eux ou bien que je n’écoutais pas les blagues du plus enjoué de nous tous. Plus les bombes pleuvaient et moins nous étions. A chaque perte, nous devenions plus silencieux et terrifiés, pourtant, nous n’en parlions jamais, nous faisions semblant, c’était plus facile comme ça.  Nous nous sentions abandonnés et complètement dépassés. Fort heureusement, les permissions arrivèrent enfin et je me sentis renaître lorsque je passai la frontière turque pour un weekend qui n’appartiendrait qu’à moi. J’aurais aimé rentrer chez moi mais c’était trop court pour l’envisager. Au lieu de ça, j’investis une chambre d’hôtel et cherchai à contacter les miens pour trouver du réconfort. Ce ne fut pas une gifle mais un coup de boule en pleine face. Voir mon fils me rappela à moi-même et je ne pus m’empêcher de pleurer jusqu’à ce que mon mari ne surgisse et que je les essuie à la hâte alors que je le reconnaissais à peine. Il avait maigri, des cernes trônaient sous ses yeux et il avait l’air en petite forme. « Je vais bien et toi ? Tu es très beau avec cette barbe, c’est pour cacher le fait que tu ne manges pas bien ? Parce que tu sais, je le vois, même si y a un écran entre nous ! Tu ne manges pas assez et ne dors pas assez ! Lucky ! Prends soin de toi, s’il-te-plaît ! » le grondai-je en fronçant les sourcils, parce que c’était plus facile que de parler de ce qui se passait ici. « J’étais émue de voir tout le monde, c’est une autre dimension ici, on finit par oublier qui on est ! Je ne dors pas beaucoup non plus mais tout va bien ! On a perdu un collègue il y a deux jours, on était 15, on n’est plus que 7… Mais tu me connais, je suis la survivante du groupe ! » Pourquoi je lui balançais tout ça ? Il n’avait pas besoin de ce genre de détail, il n’avait pas besoin de se soucier de tout ça. « Bientôt ! J’ai hâte de rentrer aussi, de te serrer dans mes bras, de t’arracher tes vêtements pour te forcer à manger ! » Je souris alors qu’il avait l’air sérieux et impliqué.


« Oui, c’est une très bonne idée ! On va espérer que ça fonctionne et que je puisse rentrer m’occuper de vous !  Et toi, comment tu vas ? A quoi tu occupes tes journées ? Pas à manger apparemment ! » J’aimais le taquiner en temps normal et ce n’était pas parce qu’il était loin que j’arrêterais de sitôt. Je tendis la main aussi, déçue de ne pas rencontrer ses doigts et sentir son odeur. « Tu me manques aussi, je pense à toi tous les jours, parfois toute la journée ! » Puis il m’exhorta à lui raconter mes journées et je baissai les yeux. « Bébé… J’ai ça tous les jours, j’aimerais que toi tu me parles de toi, du petit, de ce que vous faites tous les deux avec Mani et Cinzia. Des choses joyeuses et réjouissantes. Des choses auxquelles je pourrais penser quand je me sens dépassée. Ici, il n’y a que la mort, le sang et la désolation. » Je peinais à trouver la force de positiver quand je me retrouvais avec du sang d’enfant sur les doigts. Cela aurait pu être celui de mon fils. « Je me disais que pendant le mois où je serais là, on pourrait partir un peu en vacances tous les trois… Au fait, mon père est venu te voir ? Tu as eu des nouvelles ? »




***



Une explosion plus forte que les autres. Tout fut soufflé et je me retrouvai au sol parmi les décombres mais miraculée. Je savais qu’il fallait se méfier des locaux, principalement des hommes en bande et armés. Je les entendis arriver peu de temps après l’explosion et je fis la morte, priant pour qu’ils ne me remarquent pas. Priant pour qu’il ne m’entende pas alors que je sanglotais, me demandant si je reverrais un jour le visage de mon mari et le doux sourire de mon fils. J’attendis qu’il n’y ait plus le moindre bruit pour m’extirper des décombres. Des gens appelaient à l’aide, d’autres pleuraient mais il y avait surtout ce silence assourdissant et terrifiant. Je ne savais trop ce qui m’agitait, sans doute la certitude que j’allais mourir si je restais ici. Lâchement, j’abandonnai ces cris et ces appels à l’aide et je privilégiai ma propre vie au détriment de celle des autres. Je marchai pendant des heures sans savoir où j’allais, me cachant dès que j’entendais du bruit et je finis par tomber dans une maison occupée. Une femme mûre tenait une arme qu’elle pointait sur moi et je levai mon bras valide pour lui faire signe que je ne leur voulais pas de mal. Ce fut ma rencontre avec Asil, Riham et Haya qui tenait fermement le Akram, seul rescapé de ses trois enfants. Elles fuyaient les hostilités et tentaient de survivre, toutes violées au moins un fois et avec la volonté farouche de rejoindre la Turquie. Haya parlait un anglais approximatif mais suffisant pour nous permettre de communiquer. Elles soignèrent mon bras et je devins leur compagnon de misère. Bougeant avec elles et avançant toujours un peu plus vers notre but. Lentement, en prenant garde et en se parant des armes que nous trouvions sur notre chemin. Aucun homme n’était digne de confiance et je les croyais bien volontiers. Avec elle, je me sentis plus humaine que je n’avais pu l’être au cours des semaines précédentes, dans cet hôpital qui trahissait le désintérêt de la communauté internationale et le combat perdu d’avance de gens qui auraient voulu changer la donne. Tous morts désormais. Ou presque. Je crus pleurer de joie quand nous parvînmes enfin en Turquie. Je portais la tenue traditionnelle et j’avais un voile sur ma tête pour ne surtout pas attirer l’attention, voile que je défis dès que j’eus cette sensation d’être en sécurité. On nous parqua dans un coin d’un camp de réfugiés et je dus exiger qu’on m’entende pour qu’on se rende compte que j’étais américaine et qu’il vaudrait mieux ne pas bafouer mes droits pour ne pas avoir de problèmes. Même si pour Trump, j’étais une américaine de seconde zone et à l’américanité discutable, ça m’était égal. Je voulais qu’on appelle quelqu’un de haut placé qui saurait faire quelque chose pour moi.



Si je m’attendais à me retrouver face à mon mari, deux jours plus tard ? Certainement pas. Je crus que je me liquéfiais sur place. Mes jambes ne furent plus capables de me porter et heureusement, il me rattrapa pour me prendre dans ses bras alors que je pleurais comme une gamine. « Tu es venu me chercher ! TU ES VENU ME CHERCHER ! » Qui aimait quelqu’un à ce point ? QUI ? « Je savais ! Je savais que tu saurais que je n’étais pas morte ! Je savais ! » Je le couvrais de baisers, en toute indécence et ça m’était égal. J’avais cru ne jamais le revoir, j’avais cru que je n’aurais plus la chance de le serrer dans mes bras et Dieu m’offrait cette chance une nouvelle fois. Je ne remarquai pas son frère et d’ailleurs, je fus incapable de le lâcher pendant une bonne heure, le temps qu’il me fallut pour me calmer et être capable de parler sans pleurer, trembler comme une feuille ou bien bégayer. « Combien de temps ? Depuis combien de temps l’hôpital a été détruit ? Je marchais avec les filles, je ne savais pas combien de jours et je… On s’est caché des jours ou des semaines, je ne sais pas, parce que ça tirait dans tous les sens… On avait faim… Et les cadavres d’enfants et le… Je suis tellement contente que tu sois là ! Je suis tellement contente ! Je rêvais de toi, je savais que c’était parce que tu n’étais pas loin, au fond de moi, j’ai toujours su ! » Je lui embrassai les mains, comme s’il était Jésus en personne, me sentant submergée par un flot d’émotions que je ne pouvais plus tenir en laisse. Je ne me ressemblais plus vraiment, ma peau était tannée par le soleil, mes lèvres desséchées par la chaleur alors que j’avais beaucoup maigri à cause des privations, de la marche et des conditions extrêmes. Mais j’avais tenu bon. Qui l’aurait cru ? Certainement pas moi qui me serait condamnée dès le premier tour. Mais il y avait en moi une telle pulsion de vie, c’était elle qui me maintenait debout, pas la chance.




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Luciano Gambino
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La cruauté est essentielle si l’on veut conserver le pouvoir. Sans elle, on apparaît faible et les adversaires en profitent. Comme les chiens : celui qui aboie le plus fort devient le chef de meute. [Saviano]

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MessageIo la sentivo ancora profondamente mia  EmptyMar 14 Mar - 18:06

 



IO LA SENTIVO ANCORA PROFONDAMENTE MIA  

FEAT. LYLA



Plus que la détresse causée par nos soucis de couple, c’était sa culpabilité d’être encore en vie qui m’inquiétait. C'était surtout qu'elle s'en excuse.  Elle se traitait en voleuse. Elle se torturait à chaque respiration et ça le tracassait lourdement. À quel point souffrait-elle ? Pourrait-elle se substituer à Dieu en commettant l’irréparable ? Non ! Elle n’avait pas le profil. Elle adorait son fils. Elle m’aimait intensément jusqu’à en perdre la raison. N’était-ce pas suffisant à la maintenir sur la bonne rive ? En étais-je véritablement certain ou essayais-je de m’en convaincre pour continuer à vivre sereinement ? Le serais-je à nouveau ? Peu de chance, maintenant que l’hypothèse m’avait traversé l’esprit. Elle ne se suiciderait pas d’elle-même que le Tout-Puissant se vengerait pour ses blasphèmes. Selon mon système de croyances, c’était presque inévitable, à moins que je ne trouve les mots pour l’apaiser. Autant j’étais doué, autant je me sentais dépassé par la situation, mais je fis de mon mieux. « C’est du pareil au même, mon cœur. Penser que tu n’intéresses personne, c’est renier toute l’affection que tes proches ont pour toi, à commencer par Cinzia par exemple. Ce que j’essaie de te dire, c’est que tu es quelqu’un de formidable que tout le monde le sait, sauf toi et qu’il serait peut-être bon de te faire confiance, tu ne crois pas ? »

J’embrassai le dos de sa main, me redressai pour essuyer ses larmes. Je lui assurai également que je serais toujours à ses côtés et qu’elle n’était pas obligée de me faire confiance pour que je reste. J’étais amoureux d’elle. Ça justifiait, par exemple, certaines largesses. « Tu ne seras jamais un poids pour moi et je suis pressé de rentrer. Les seules fois où le contraire est arrivé, ça n’avait rien à voir avec toi. » J’étais submergé par une énergie qu’elle canalisait bien en général, mais que je n’avais pas envie d’imposer à mon fils tant je chargeais l’ambiance d’électricité. Il était trop jeune pour supporter tout ça. Quant à mon épouse, je réalisais aujourd’hui, avec un profond désarroi, que certains de mes doutes étaient fondés. Elle est solide à bien des niveaux, mais elle peine à se soutenir elle-même. « Et moi, je dois faire la même chose quand c’est nécessaire. M’en empêcher en refusant d’admettre que tu as besoin d’aide, c’est nous foutre en l’air. Il n’y a pas de problème à avouer à son mari qu’on a besoin de lui. Si c'était ça, je suis bon pour crever d'une attaque de honte. Si c'est ça, alors, je le répète, nos emmerdes ne font que commencer. » En réalité, j’entendais parfaitement qu’elle avait du mal à nommer ses sentiments. Je n’étais moi-même pas très douée pour les reconnaître et en parler. Je ne la blâmais pas. Je me tracassais seulement pour notre avenir et le sien surtout. Nul ne peut contrarier les décisions de cette force qui nous dépasse. Aussi, je m’endormis, cette nuit-là, en me demandant ce qui nous tomberait sur le coin de la gueule. Un horrible pressentiment m’assaillait et la conclusion légère de cette grave et sérieuse conversation ne fit que l’employer. Sur le qui-vive, je ne profitai de notre bonheur qu’en pointillé. Ce serait plus facile lorsque cette supposée mauvaise nouvelle tomberait. Tout du moins, en théorie. Dans les faits, je n’en menai pas large.

Au départ, j’envisageai de ce que nous, les Gambino, avions assez de pouvoir pour empêcher qu’elle ne quitte le territoire américain pour la Turquie, la Syrie ou autres pays dans lesquels je n’aurais jamais mis les pieds. J’allais partout où elle me traînait sans rechigner et sans prendre au sérieux toutes ces démarches auxquelles elle m’obligeait à me plier. Pour moi, c’était inutile jusqu’à ce que mon père confesse un aveu de faiblesse dit provisoire. Il était sur le coup, elle ne resterait pas longtemps, mais j’étais forcé de la laisser partir. Pour lui, l’inciter à la désertion n’était pas la bonne option. D’après moi, pour la première fois de ma vie, me fier à mon père réclama un sacrifice, d’autant que je n’ignorais pas qu’elles étaient ses objectifs. Elle se préparait à ne jamais remettre les pieds à New York. Elle se comportait comme une condamnée à la peine capitale attendant son heure dans les couloirs de la mort. Elle jugeait sans doute bon, pour nous et pour moi, de ressasser nos plus beaux souvenirs, mais elle me déchirait le cœur. L’exercice était compliqué. Elle m’arracha bien quelques éclats de rire, mais je détestais ses motivations. Elle ne se remémorait pas tout ce qui l’aiderait à garder l’espoir de revenir dès qu’elle serait loin de moi. Non. Elle s’assurait que je ne la haïrais pas de nous avoir abandonnés, mon fils et moi. Elle veillait à reposer en paix quand la grande faucheuse rétablira l’ordre des choses. Ça m’agaçait parce que j’étais aussi effrayé qu’elle. « Il faut que tu arrêtes ça, mon cœur. Il faut que tu arrêtes de faire comme si tu partais pour toujours. Ce n’est pas une punition ou une fatalité. Ce n’est pas un juste retour des choses parce que tu ne devrais pas être en vie. Tu reviendras avant la fin de ta mission. Peut-être même que je pourrai venir te chercher moi-même, alors, s’il te plait faut que ça cesse. Faut plus faire comme si je n’aurais bientôt plus que mes souvenirs pour ne pas sombrer. » lui opposais-je heureux d’être de retour à la maison. Je pourrais lui souffler à l’oreille toutes les bonnes raisons en sa possession de croire à sa survie et à a sa légitimité.

***


Après le départ de mon épouse, je cherchai le réconfort là où j’étais susceptible de le trouver. Dans les premiers temps, je me tournai vers ma famille. Il partageait ma peine à un niveau différent. C’était assez rassurant. Je n’étais plus le seul à souffrir, mais je ne pouvais pas me complaire indéfiniment dans la solitude et le désespoir. Alors, je déménageai pour le Bronx où j’investis l’une des chambres d’amis des Herrera. Je m’y sentais mieux, quoique ma sœur était un rien trop envahissante. Mon fils me faisait énormément de bien, mais je n’avais pas souvent l’opportunité de passer du temps avec lui. Elle prétendait que ça m’arrangeait qu’elle le garde. Dans sa bouche, j’avais l’air d’un père démissionnaire. Je tentai bien d’en discuter avec elle. Ce fut vain, pas tant parce qu'elle était bornée, mais car elle interprétait les faits en n’entendant que ses émotions et ses propres besoins. Cette cohabitation m’apprit une chose fondamentale sur elle : elle avait à peine entamé son processus de deuil. Le fantôme de Manuelito pesait sur elle en permanence et, par conséquent, sur mon fils. Aurais-je eu davantage de temps que je serais retourné vivre dans ma garçonnière de Manhattan. Je n’en disposais pas d’une assez grande quantité pour me permettre de ma passer de l’aide de ma petite sœur avec mon fils, et pas seulement à cause du boulot.

Le troisième phare s’allumant dans la nuit était une vieille connaissance féminine avec laquelle je partageais quelques combats philanthropiques. Je n’étais pas attiré par Carrie pour ces airs scandinaves, sa taille de guêpe ou ses grands yeux expressifs. Sa compagnie me plaisait surtout pour tout ce qui me rappelait, en elle, mon épouse absente et silencieuse. Comme ma conjointe, elle ne faisait pas semblant d’être généreuse et altruiste. Elle l’était par essence. Elle se choisit une cause, un jour, et elle s’y dévoua corps et âme. Sa conversation n’était jamais ennuyeuse. Elle écoutait, attentivement, la main tendue et sans juger. Elle bâtissait un pilier sur lequel m’appuyer et il était plus solide que tous les autres. Elle, elle était par ma situation. Elle n’en souffrait pas au même titre que la Cinzia, la Jez ou les représentants de la gent féminine de mon entourage. Elle n’était pas retranchée à des kilomètres de moi non lus et, si mes sentiments à son égard n’étaient en rien comparable à ceux que je nourrissais pour ma femme. Carrie me faisait du bien au moral. J’étais raide dingue de Lyla. Ça n’empêchait néanmoins pas qu’il m’arrivait de culpabiliser tous les jours où une rencontre était prévue. Le reste du temps, le manque me tenaillait l’estomac et me rassurait en partie. Je ne flirtais pas avec les limites. Je n’étais pas responsable d’adultère. Pas tout à fait. C’était une notion difficile à définir pour moi et j’oubliai d’être exactement moi-même quand j’eus enfin la chance de m’entretenir avec ma dulcinée.

« Ça va et ma barbe est juste esthétique. Je vis chez Cinzia et Mani. Tu crois vraiment que je pourrais mourir de faim » plaisantais-je sans pour autant ricaner. Ça faisait une éternité que je n’avais pas éclaté de rire. Au mieux, je souriais, mais c’était rare. « C’est parce que je n’ai pas le temps de dormir que j’ai l’air affamé. Et, je prends soin de moi, pour Ettore, et pour tenir la distance quand tu seras de retour. » Ma tentative d’humour tomba à plat. Je n’étais plus vraiment doué pour les traits d’esprit hilarants. « Tu n’es pas une survivante, bébé. Tu es une battante, ce n’est pas la même chose. Et c’est pour ça qu’on arrivera bien à trouver une solution pour te sortir de là. Je me doute que... que ça ne doit pas être facile. » Je ne faisais que supposer. La vie de militaire, la guerre, c’était à des lieues de ma réalité. Je ne connaissais que les conflits civils entre les familles siciliennes ou contre d’autres organisations dépourvus de l’ampleur nécessaire à nous détruire. « Mais, ça se précise. Je bosse beaucoup sur la question. Du coup, je sors beaucoup. Je me montre et je noue des relations qui nous seront utiles. C’est grâce à ça que j’ai eu l’idée de… de jouer sur tes anciens problèmes de santé pour les forcer à te révoquer. Ça ne s’arrêtera pas là. Il faudra peut-être passer par le procès, mais d’après l’avocat familial, on a des chances de gagner. D’ailleurs, en parlant de procès, il y a une connasse qui t’accuse de l’avoir blessée dans un supermarché avec je ne sais trop quoi. Je n’ai pas tout compris. C’est une sale pute. J’ai même envisagé de lui trancher la gorge. Ça m’aurait fait du bien. Mais, je me suis dit qu’il valait mieux éviter d’attirer l’attention sur moi. »

J’esquissai un pauvre sourire avant de lui offrir un cadeau mensonger. Je n’avais pas grand-chose à raconter sur ma vie ici. Sans elle, elle était fade et insipide. Je lui mentis donc, pour son moral, inventant des histoires qui n’étaient jamais arrivées. Bien sûr, au cœur de mes bobards demeurait un minimum de vérité cependant. « On ira où tu voudras. Au soleil. À la montagne. Ça n’a pas d’importance. Quant à ton père, non, il n’est pas venu. Ou alors, il a essayé, mais je n’étais pas là. Ce n’est pas impossible. Je ne suis pas disponible pour tout le monde, je… » J’observai le plafond en quête d’inspiration. Les mots auraient une importance capitale pour ne pas l’inquiéter outre mesure. « Ils ont peur, Lyla et j’ai l’impression d’être la seule personne à ne pas avoir abdiqué te concernant. Sauf Mani et Cinzia, qui fait très bien semblant. Alors, non, je ne le ferai pas. Je n’en ai pas envie et, pour ça, il faut que je reste à l’écart de ceux qui n’arrivent pas à tenir la distance. » J’évitai d’ajouter que nous forcer à renouer ne nous serait aucunement profitable. « Il ne faut pas que tu t’inquiètes, mon ange. Je sais m’occuper de moi. Pas aussi bien que lorsque tu es là, mais je peux le faire. Tout comme je pourrai et voudrai le faire pour toi quand tu rentreras. Lâche la pression et concentre-toi sur toi au lieu de t’inquiéter de ce qui passe ici entre nous tous. » Nous consacrâmes le reste de la conversation à discuter de notre fils et de ses progrès. Le bambin sur mes genoux, cet entretien téléphonique créa à la perfection l’illusion d’un moment en famille, exactement ce dont j’avais besoin finalement.

Tous les bénéfices gagnés par ce semblant de normalité volèrent en éclats après la visite des deux soldats endimanchés chez mes parents. Les nouvelles étaient désastreuses et je me renfermai sur moi-même durant quelques jours, histoire de me recentrer et de décider de ce qu’il convenait d’abandonner ou non. J’arrivai rapidement à la conclusion qu’elle était en vie et qu'il n'était pas question que je baisse les bras. J’en discutai longuement avec mon père qui profita de cette annonce pour faire entendre les droits de mon épouse. Je bouclai mes bagages et je m’envolai pour la Sicile en compagnie de mon frère. Sur mon île d’origine, je rassemblai quelques hommes de confiance. Le Don en place contacta ses associés turcs afin que nous soyons reçus convenablement et d’actionner la mécanique du téléphone arabe. Nul n’avait entendu parler de survivants après l’explosion auquel chacun prêtait pour cause un soulèvement de l’intérieur. Je recueillis des informations précises sur les coordonnées du campement attaqué plus tôt et je me rendis sur les lieux du désastre, armé jusqu’aux dents et sous la protection d’une milice de l’organisation criminelle turque. Nos rapports étaient étroits. J’étais presque en confiance. Sur ce terrain miné dont j’ignorais tout, je n’avais pas vraiment le choix. Jamais je ne pourrais vivre en me demandant si le corps inanimé de ma conjointe gît sous des décombres ou si elle est parvenue à s’en sortir. Je ne trouvais rien d’autre qu’un peu d’espoir. Un pendentif, un que je lui offris moi-même sans occasion particulière. Ce ne fut pas un hasard. Je retournai le terrain dans le but précis.

Mes prières exaucées, il était évident que je ne rentrerais pas sans elle. Je n’avais plus qu’à espérer que le ciel soit clément tandis que je suivais la piste de village en village, une photo dans la main, mais n’obtenant pas grand-chose. En Syrie, on est constamment en danger. On ne se fie à personne. On longue les murs et on se tient prêt à tirer. On n’espère pas manger tous les jours. On se contente de ce qu’on trouve et de la générosité de quelques-uns. Ça m’était égal personnellement. Je n’avais qu’un projet en tête et je manquai de tomber à la renverse quand je reçus des nouvelles du pays limitrophe. La rumeur prétendait qu’une Américaine venait d’échouer dans un camp de réfugiés de la frontière. C’était peut-être une fausse piste. Oui. Mais, elle valait le coup d’être suivie, quitte à être forcé de tout recommencer par la suite. J’avais un bon pressentiment. Très bon. L’espoir m’exalta et il se mua en excitation tandis que je la reconnaissais au milieu de pauvres gens qui ont tout perdu, au centre de ces femmes et de ces enfants qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer et leur bras pour se soutenir. Je contournai les groupes tassés les uns contre les autres et les lits de camp afin de la rejoindre, la hélant pour qu’elle comble sa part du chemin et arrivant juste à temps pour l’empêcher de tomber à la renverse. « Je t’avais dit que je le ferais. » lui chuchotais-je à l’oreille en la serrant si fort que j’aurais pu lui fêler une côte ou deux. « Et je t’avais dit aussi que tu ne mourrais pas ici. Je l’ai toujours su. » Mes mains entouraient ses joues et, les yeux cadenassés aux siens, je la redécouvrais, amoureuse à souhait et indécemment démonstrative, pour mon plus grand plaisir. Elle était à mes côtés et j’étais à nouveau entier.

Je consacrai près d’une heure à la consoler, à l’apaiser, à l’écouter, à l’embrasser, à respirer sa peau, méprisant le regard des autres et leurs souffrances. Peu avaient la chance de vivre un moment d’une telle intensité. Autant dire que je me contrefichais des éventuelles paires d’yeux curieuses. Ma priorité, c’était de nous enfuir d’ici au plus vite, que nous soyons enfin en sécurité. « On va rentrer à la maison maintenant. On n’est pas obligé de retourner aux États-Unis tout de suite, mais il ne faut pas qu’on reste ici. » Elle insista pour emmener ces compagnes de galère et de fortune. Je ne savais pas encore si c’était faisable, mais j’acceptai de les prendre avec nous jusqu’au fin fond de la Turquie. Plus loin nous serions de la frontière, mieux je me sentirai. Je nous louai une chambre d’hôtel et je nous commandai de quoi manger pendant que Lyla s’était enfermée dans la salle de bain. Elle avait besoin de renouer avec son confort. Elle devait s’imaginer que ça serait facile. Moi, je me doutais que les nuits seraient dificiles. Peut-être pas les premières, mais le jour viendrait où elle serait rattrapée par des cauchemars. Il l’épuiserait, ce qui rendrait toute conversation compliquée. Je profitai donc de cette liesse provoquée par la surprise et par notre soulagement pour la rejoindre, à demi nu, pour l’accompagner dans la salle de bain. « Si tu n’étais pas prête, je comprendrais. C’est juste que j’ai cru devenir complètement fou sans toi. Je… » confessais-je tandis que mes doigts redessinaient déjà les courbes de son corps, la débarrassant au passage du tissu superflu. J’étais pressé de l’apprendre à nouveau par cœur. Je ne raisonnais plus beaucoup. « C’est le moment ou jamais de m’arrêter. Je te jure que je ne t’en voudrai pas. » Au contraire. Ce serait ma porte de sortie que j’emprunterai pour m’excuser d’un défaut de performance éventuel qui trouverait son origine dans l’abstinence forcée. J’avais été bon élève, mais toute médaille à son revers.

L’euphorie des retrouvailles retombée, je réalisai que ma tête bourdonnait de questions. Comment s’était-elle tirée de ce faux-pas ? Où avait-elle rencontré ces femmes qui l’accompagnaient ? Qu’espérait-elle pour elles ? Qu’avaient-elles vécu tout ensemble ? Quelles souffrances furent-elles forcées d’endurer ? J’avais aussi à confier à mon épouse que nous ne pourrions pas retourner en Amérique immédiatement et qu’elle devrait prendre son mal en patience avant de voir son fils. Je ne savais pas exactement qui le gardait. Aux dernières nouvelles, il était chez ma mère. Appeler via Skype serait donc compliqué. J’adressai tout de même un message à Mani afin qu’il le récupère, qu’elle puisse le voir dès qu’elle serait prête. « Je n’avais pas prévu que je te retrouvais aussi vite. » lui déclarais-je quand elle ouvrit les yeux. « Comment tu te sens ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Tu veux qu’on appelle NYC ? Tu veux tout me raconter ? » Je m’assis sur le rebord du lit, une tasse de thé entre les mains. Il était encore chaud. Je l’avais fait pour elle. « Qui sont ces femmes, Lyla ? Tu les as trouvées où ?" Qu'avaient-elles fait pour elle ? A quel degré leur serais-je redevable ? "Ou, tu préfères que je te parle de ce qui est prévu pour la suite ? »

J’attendais sa permission avec impatience, car il n’était plus question qu’elle s'en aille. « Parce que je ne sais pas trop pour être honnête. Les données ont changé. Dès que j'aie les des instructions claires, on bouge ensemble.» Pris d’angoisse, je la serrai dans mes bras. « J’aimerais qu’on retourne en Sicile le plus rapidement possible, après que tu aies vu un médecin et quand mon frère aura rassemblé assez d’informations pour que tes amies nous suivent. Etant donné la politique actuelle, ça va être compliqué de les faire rentrer aux États-Unis. Je ne sais même pas si c’est possible, mais ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est que tu sois en vie. Et, on devrait le faire ce voyage. On devrait s’arranger pour qu’on nous dépose Ettore et profiter de ce qu’on sera en Europe pour faire le tour du continent. Il y a plein de belles choses à voir ici. » J’ignorais pour quelles raisons le visage de Carrie s’imposa dans mes pensées. Je songeai néanmoins à elle et je me crispai. Cela signifiait-il qu’il était bon d’en parler ? De lui raconter le rôle qu’elle avait joué ? Non ! Ce serait stupide. Je n’avais aucune idée de comment cette relation aurait évolué, de ce qu’elle était exactement. « Est-ce que tu voudrais sortir un peu ? Voir du monde, non pas comme un soldat, mais comme une civile ? Une touriste ? Il paraît que c’est beau la Turquie. »  

En insistant un peu, je parvins à ce qu'elle quitte la chambre d’hôtel. Gaby ne nous accompagna pas. Il veilla plutôt sur ses femmes et l’enfant dont nous avions pris la responsabilité. Ils nous causeraient des emmerdes. Je le sentais à plein nez. Je n’étais pas en mesure de refuser quoi que ce soit à mon épouse. Elle arriva même à me tirer dans des endroits un peu trop reculés de la ville où nous échouâmes. Étant donné les circonstances, je saisissais, mais je redoutais pour notre sécurité. Nous étions entourés de mercenaires comme si nous étions un couple princier, ce qui ne suffisait pas vraiment à nous détendre pleinement. Je tenais Lyla contre mon flanc tellement fort que nous manquions de trébucher tous les deux pas. «  Je ne comprends pas tout le foin qu’ils font autour de ce pays. C’est beau, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard par ici. Peut-être qu’on devait se diriger un peu plus vers le centre, tu en penses quoi ? » Rien de bien et elle n’eût pas forcément besoin de le formuler à voix haute. Survolé par un avion de chasse que je remarquai à peine, elle s’accroupit, m’entraînant avec elle et se cacha la tête entre les genoux, ses mains lui servant de rempart fragile s’il s’agissait d’une attaque. « Okay. » avançais-je en évitant tout geste brusque. « Tu ne risques plus rien, mon ange. » Elle tremblait comme une feuille à mes côtés et je l’entourai de mes bras, embrassant le haut de son crâne. « Et on va rentrer à l’hôtel. Dès que tu te sentiras prête à relever la tête parce que tu auras assimilé qu’avec moi, tu seras toujours en sécurité. » Même si force était d’admettre que je serais impuissant en cas de bombardement.




 




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Lyla Gambino
Lyla Gambino
ADMINE ET PUNITRICE

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MessageIo la sentivo ancora profondamente mia  EmptyDim 19 Mar - 16:55

 



IO LA SENTIVO ANCORA PROFONDAMENTE MIA  

ft le messie



Alors que je lisais une véritable inquiétude dans ses yeux, je me fis la promesse de toujours essayer de lui parler de ce qui n’allait pas, quitte à ce qu’il m’envoie chier parce qu’il gérait mal ma peine ou ma souffrance et qu’il n’était pas toujours en état de porter mes soucis en plus des siens. Mais je ne voulais pas que ma tendance à l’indépendance le pousse à croire qu’il ne comptait pas ou bien que nous vivions une relation des plus déséquilibrée. Luciano n’était pas un homme qui faisait facilement confiance aux femmes, à vrai dire, pour la majorité d’entre elles, elles n’étaient que des êtres d’une vénalité sans nom et avec un sens de la vertu aléatoire, il les voyait comme le diable en personne et se contentait de prendre ce qu’elles avaient à offrir sans un regard en arrière au moment de les transformer en bon souvenir. J’ignorais comment je fis pour changer la donne mais les faits étaient là et il n’était pas question que je le laisse regretter de m’avoir permis de rentrer dans sa vie. Il n’avait pas opté pour la solution la plus simple en me choisissant pour femme, je n’étais pas vraiment à l’image de sa mère et des siciliennes de manière générale. J’étais bien plus indépendante et si j’avais reçu une éducation qui se rapprochait de celle de sa sœur, il n’en demeurait pas moins que mon père m’avait toujours offert la possibilité de choisir et de donner à ma vie le tournant que je souhaitais. A vrai dire, lors de l’annonce de mes premières noces, il avait été déçu que je ne choisisse pas la voix des études plutôt que celle du foyer. Mon père était un homme avec une ouverture d’esprit qu’il n’accordait qu’à ses filles et à leur éducation. Ca aurait pu être un sérieux problème entre Lucky et moi mais j’étais avant tout raisonnable et à l’écoute. J’aurais pu lui tenir tête et insister lourdement pour rester à la caserne mais sur le long terme, j’aurais fini par le perdre pour un choix de carrière fait par dépit. C’était ridicule ! Il comptait plus que mon envie de sauver le monde, plus que tout le reste. Il me montrait, jour après jour, combien il pouvait être doux de faire confiance à quelqu’un sans que celle-ci ne soit trahie. Il ne pouvait encore souffrir de mes rapports tumultueux avec Ruben, il méritait mieux que ça. Jusqu’à présent, j’étais certaine de lui avoir tout donné de moi, de m’être ouverte sans limites et sans barrières, je me trompais, il restait du chemin à parcourir et je me promis d’y travailler pour qu’il n’y ait plus rien qui puisse nous séparer et le blesser. Il avait besoin d’être sûr de maîtriser un certain nombre de choses pour ne pas devenir fou et notre mariage en faisait partie. Il avait le droit à tout ce que j’avais en magasin, sans restriction. J’étais là pour adoucir sa vie, pas pour la compliquer.


Je ne pus qu’éprouver une certaine forme de culpabilité quand on m’annonça que je ferais partie de cette mission et que je devrais me rendre à l’autre bout du monde, loin de ma famille. Une fois de plus, je causais bien du tort autour de moi et je devenais une source d’inquiétude pour mes proches. Comment ne pas me sentir mal par rapport à ça ? En voulant remonter le moral de Luciano, je fis pire que mieux et je me sentis d’autant plus coupable. Le jour de mon départ approchait et je le sentais s’approcher de plus en plus du point de rupture et ça n’arrangeait pas mon état. Notre fils aurait besoin de lui et de toute son énergie pour ne pas sentir avec trop de force le fait que sa maman n’était pas là pour prendre soin de lui. Cette simple pensée manqua de me faire fondre en larmes mais je tins bon, je détournai les yeux pour les porte sur le paysage qui défilait à travers la fenêtre, il n’était pas question que j’en rajoute une couche supplémentaire en me mettant à chialer. J’avais assez pleuré jusqu’à présent et ma culpabilité n’avait eu de cesse de gonfler alors que mon mari me prenait dans ses bras, mordant sur sa chique et refoulant ses propres sentiments au profit des miens. « Je suis désolée mon amour ! J’adorerais que tu viennes me chercher ! » Oui, il mettrait joliment un terme à une putain de punition que je n’avais pas méritée. « Je me rappelais seulement de tout ça pour me donner du courage, ça me fera de la matière pour ne pas sombrer pendant que je me trouverais loin de vous. Je vais avoir besoin de courage et toi, tu m’en donnes toujours ! Je vais devoir faire sans nos disputes pendant des mois, tu avoueras que ça semble insurmontable. » J’éclatai de rire alors que mes larmes avaient décidé de me dénoncer comme les salopes qu’elles étaient. Je les essuyai à la hâte mais mes reniflements ne trompaient personne. Depuis qu’il était entré dans ma vie, je ne pouvais plus l’envisager sans lui et la perspective de passer des semaines sans pouvoir entendre le son de sa voix me rendait malade mais avais-je le choix ? Il me faudrait faire avec, même si j’étais loin de me rendre compte que ce serait si dur.


***


Je n’étais pas prête à endurer tout ça et ça n’avait strictement rien à voir avec ma première mission. Il y avait un monde entre soigner des soldats, des gens entraînés et préparés à la possibilité d’être blessés et de mourir et le fait de se retrouver à gérer les conséquences de la guerre ainsi que des civils dans des états pitoyables. Je me souvenais encore avec exactitude de ce père qui avait parcouru des kilomètres à pieds pour nous apporter son fils, mort depuis un moment déjà et quelque chose au fond de lui le savait aussi, mais j’avais dû le poser sur la table d’auscultation couverte de sang séché pour faire semblant de tenter de le réanimer, pour le père, pour son sacrifice et parce que j’étais trop épuisée pour trouver encore la force de lui annoncer une mauvaise nouvelle sans même avoir pris la peine d’essayer. Il n’aurait pas été capable de l’endurer et je n’aurais pu gérer ce qui aurait suivi. Des cas comme ça, c’était mon quotidien. Des enfants abasourdis par la guerre qui avaient dans les yeux une sagesse et une lassitude d’adulte. Ils posaient leurs yeux sur moi et croisaient mon regard, et j’avais une folle envie de fondre en larmes quand je ne voulais tout simplement pas les serrer dans mes bras pour tenter de les envoyer en lieu sûr, dans mon pays, là où les enfants s’amusaient et pouvaient attendre l’âge adulte pour comprendre la définition de la souffrance. Entre les familles brisées et les destins volés, je me sentais privilégiée et chanceuse, je me demandais pourquoi on prenait tant à ces gens alors que d’autres nageaient dans l’opulence sans vraiment le mériter. Qu’avaient-ils bien pu faire pour souffrir de la sorte ? Quels étaient leurs péchés ? Aucun ! J’interrogeai Dieu qui ne m’offrit jamais de véritable réponse et j’aurais sans doute pu me montrer de plus en plus sceptique le concernant, s’il n’y avait pas quelques miracles parmi cet amoncellement de souffrance. Un bébé retrouvé dans des décombres, trois jours après l’effondrement d’un bâtiment, sauvé par le corps de sa mère qui s’était sacrifié pour lui. Un père qui retrouvé sa fille, seule survivante de la famille et qui décidait de prendre avec lui les cinq enfants orphelins qui étaient devenus les amis de la petite, pendant ces jours interminables d’attente. Cette femme sortie presque indemne après un bombardement, elle et le reste de sa famille. Autant d’histoires qui me donnaient la force de continuer, de me traîner chaque jour jusqu’à l’hôpital pour tenter de limiter l’hécatombe, pour tenter de jouer les sauveuses, sachant pertinemment que les trois quarts me claqueraient entre les mains mais que j’aurais fait mon possible. Oui, tout mon possible.



J’avais besoin de voir les miens, mon mari, mon fils, mes amis. Pour relativiser et remettre les choses en perspective, me souvenir de ce qui comptait vraiment. Poser les yeux sur mon sicilien de mari me rappela combien j’aurais aimé me nicher dans les creux de ses bras pour y puiser force, courage et réconfort. Il me manquait tellement ! « N’essaie pas de m’embobiner, l’embobineur ! » le menaçai-e gentiment en pointant mon index vers lui. « Mange correctement ! Pour être en forme quand je vais revenir, parce que je ne vais pas te lâcher ! » promis-je sans vraiment savoir quand je rentrerais et si j’allais pouvoir vraiment rentrer. « Tu fais bien ! Tu le fais surtout parce que t’as peur que je te botte les fesses, je te comprends, moi aussi j’aurais peur à ta place ! » Nous essayions tous les deux de détendre l’atmosphère mais sur fond de gravité, autant dire que c’était mission impossible mais personne ne pourrait nous reprocher d’avoir tenté. « C’est comme ça… Je n’ai pas le droit d’en parler, du moins pas ici mais j’aurais le temps et la possibilité de le faire quand on se retrouvera. » Bien que je ne fusse pas certaine qu’il ait vraiment besoin des détails de mon quotidien. Il finirait par ne plus vouloir me laisser partir et je ne voulais pas me transformer en déserteur, je savais quelles seraient les conséquences… Je n’étais pas une lâche et je refusais que l’on me condamne à mort pour avoir simplement fait en sorte de me sortir de l’enfer. « Je te fais confiance, on pourra régler le détail à mon retour et t’en fais pas pour ça, ce procès ou je ne sais quoi. Elle cherche sûrement à se faire facilement du fric, tu sais. » Il n’était pas question qu’il se mette dans la merde pour une tarée qui avait fini par s’imaginer que j’étais responsable de sa vie de merde. Non, pas question ! Je l’écoutai m’exposer les raisons qui justifiaient le fait qu’il ne voyait pas ma famille et j’acquiesçai. En effet, s’il était lui-même fragilisé, il n’aurait rien à gagner en allant se frotter à la peur et à la fragilité des miens. J’aurais simplement aimé qu’ils soient un meilleur soutien pour lui, il était le seul à vraiment avoir de quoi se rendre malade, il perdrait bien plus qu’eux. Je soupirai, me massant les tempes, sentant que ce trop plein d’émotions ne me serait pas uniquement profitable. « J’ai besoin de savoir que tu n’es pas tout seul, que tout le monde t’entoure et te soutient. » Parce que si j’aurais aimé qu’il continue à vivre normalement, je savais que c’était au-dessus de ses forces, comment aurait-il pu alors que nous avions établi notre équilibre commun l’un sur l’autre ? Je le rappelai au cours de ces deux jours de permission, pour nous donner l’impression de nous retrouver un peu, à défaut de pouvoir nous toucher et nous étreindre, j’eus au moins l’illusion d’être de retour à ses côtés et je dormis mieux ces deux jours que tous les précédents et les suivants. Comment aurait-il pu en être autrement ? Alors que je devais lutter à chaque instant pour ma survie, me demandant si on ne nous débusquerait pas pour faire de nous des esclaves que l’on revendrait au plus offrant. Je ne sus comment nous pûmes arriver de l’autre côté, ni quelle force m’avait maintenu debout même les jours les plus difficiles mais je le fis. Et Dieu me récompensa de mon acharnement avec générosité en me rendant ce que je chérissais le plus au monde : mon époux.




Le retrouver fut un tel soulagement que je laissai retomber la pression et que ça se traduisit par des élans d’amour et de reconnaissance. Je me sentais désormais en sécurité et sauvée, je n’avais plus à demeurer en mode survie puisque mon sauveur était là et qu’il s’occuperait de tout. J’avais besoin de ne plus m’inquiéter de quoi que ce soit et de seulement me laisser porter par le courant. La fatigue me tomberait sur le coin de la gueule une fois que l’excitation serait passée et qu’il me faudrait renouer avec les réflexes d’une personne normale. « Oui, je veux partir d’ici mais pas sans mes amies. Sans elles, Lucky, je serais morte mille fois. Elles ont partagé avec moi le peu qu’elles avaient, elles ont lutté avec moi et elles ont tellement souffert. Je veux les aider comme elles m’ont aidé ! » expliquai-je en caressant son visage, ne le quittant pas des yeux même s’il m’éblouissait comme le soleil, j’avais l’impression d’être dans un de ces nombreux rêves où il me sortait de la dureté de mon quotidien, comme un chevalier blanc qui avait pour seule et unique vocation, mon sauvetage pur et simple. Il accepta sans discuter et je fus soulagée, j’allai prévenir mes amies en baragouinant quelques mots dans leur langue puis en anglais, elles pleurèrent à leur tour et me serrèrent dans leurs bras avant que je ne pleure à nouveau. Tout ça, c’était beaucoup d’émotion pour une seule et même journée. On se divisa en plusieurs groupes dans plusieurs voitures et je me retrouvai pressée contre mon mari qui ne me lâchait pas d’une semelle. Il passa son bras autour de moi et je m’endormis sur son torse, persuadée qu’il ne pourrait plus rien m’arriver, il ne le permettrait pas. Il avait été capable de me retrouver à l’autre bout du monde. Je savais comment fonctionnait l’armée et on avait dû venir lui annoncer ma disparition, il avait eu toutes les raisons du monde de se faire une raison, d’abandonner et de recommencer. Il préféra prendre l’avion pour venir me retrouver, pour me sortir de là et me ramener chez nous. Il brava le danger et les certitudes de tout le monde pour tenter de me retrouver. Je n’étais pas sûre d’être à la hauteur de tant d’amour, je n’étais même pas certaine de le mériter mais je comptais faire en sorte d’en être digne. Il me réveilla avec douceur quand nous fûmes devant l’hôtel et je m’extirpai de la voiture en me sentant plus épuisée qu’avant de m’assoupir. Je rassurai de mon mieux mes nouvelles amies, leur expliquant que Gabriele veillerait sur elles et qu’il ne tenterait pas d’en profiter avant de m’isoler dans notre chambre et de foncer dans la salle de bain pour me débarrasser de la crasse et de la sueur qui collaient à ma peau depuis trop longtemps. J’en profitai pour remercier le ciel de sa bienveillance à mon égard, je pleurai un peu, me disant que j’étais la plus chanceuse de toutes sur cette putain de planète. En émergeant de la douche, je me sentis un peu mieux, me retrouvant un peu après une quantité de shampoing et un coup de rasoir nécessaire. Je me démêlais les cheveux quand il apparut derrière moi. Je lui souris, posant ma main sur la sienne qui s’était posée sur ma hanche. Il me débarrassa de ma serviette alors qu’il déposait des baisers tentateurs sur ma nuque.




Nous nous réapprîmes pendant des heures jusqu’à ce que nous manquions de forces tous les deux et que la faim nous pousse à profiter de ce qu’il avait commandé. Je finis par m’endormir contre lui presque trop rapidement, avant d’avoir vraiment pu aborder les sujets qui m’intéressaient mais j’avais du sommeil en retard et nos retrouvailles me coûtèrent beaucoup d’énergie. « Tu te sous-estimes ! » ne pus-je m’empêcher de répondre en souriant. Je lui offris quelques baisers en guise de bonjour sans pour autant me lever, j’étais bien dans ce lit. « Je me sens fatiguée et j’aimerais aller chez le coiffeur, je crois. Mes cheveux sont en sale état. Mais avant, oui, je voudrais appeler NY et voir comment va Ettore. Il allait comment quand tu es parti ? » m’inquiétai-je en me redressant aussitôt alors que nous abordions des sujets sérieux. « Tout ? Je ne me souviens pas de tout mais toi, qu’est-ce que tu aimerais savoir ? » Visiblement la présence de ces femmes l’interpellait suffisamment pour qu’il veuille en savoir plus et je le comprenais. « J’essayais de me cacher quand je suis entrée dans la maison dans laquelle elles se cachaient elles aussi. Tous les jours on entendait des histoires sur les exactions commises sur la population alors dès que j’entendais des gens, je me cachais, pour éviter de… Parce que je ne voulais pas leur donner l’opportunité de me faire du mal. Elles m’ont prise dans leur groupe et on s’est serré les coudes pour arriver en Turquie. C’était leur objectif et je me suis greffée à elles en me disant que de la Turquie, je pourrais donner signe de vie. Elles connaissaient le territoire et m’ont évité de mourir de soif, de chaud et de faim. J’aimerais leur offrir ce qu’elles méritent. Elles ont été violées et battues, elles ont perdu tous leurs enfants ou presque. On doit faire quelque chose pour elles, Lucky ! » Mon ton était presque suppliant mais j’y tenais, oui, j’y tenais plus que tout. Je hochai la tête pour qu’il poursuive et me parle de son programme.


« Peut-être que la Sicile sera mieux pour elles, il faut leur demander, tu sais ! Oui… C’est une bonne idée, on a qu’à demander à ce qu’on nous apporte Ettore quand on sera en Sicile et on verra ce qu’on fait après, tant qu’on est tous les trois, tout me va. » admis-je en me blottissant contre lui tandis qu’il me proposait de sortir. J’affirmai avoir besoin de me reposer encore mais il avait l’air de tellement y tenir que je cédai et le suivis en ville, sans vraiment être des plus à l’aise. J’avais besoin de calme et de paix, je parvins à retrouver un peu de bonne humeur en mangeant ce que chaque petite échoppe avait à proposer et nous finîmes par nous enfoncer dans les rues pleines de charme de la ville, découvrant ce à côté de quoi bien des touristes devaient passer. « C’est vraiment charmant ! Et la nourriture est bonne, tu as aimé ce qu’on vient de prendre ? J’ai l’impression d’être en vacances… » Et je ne savais pas vraiment ce qui se passerait quand l’armée aurait vent du fait que j’étais encore en vie. M’obligerait-on à y retourner ? Je n’étais pas en état de retourner où que ce soit ! Une vague de panique balaya ma bonne heure et je cherchai mon mari quand un avion passa au-dessus de nous et que je refermai la main sur le t-shirt de Lucky pour qu’il se baisse. J’avais balancé mon encas pour me protéger la tête des deux mains, priant la vierge de nous protéger avant que l’avion ne s’éloigne. J’étais crispée et j’eus un mal fou à me déplier pour qu’il puisse me prendre dans ses bras. Je posai un regard embué de larmes alors que la peur agitait mon corps de tremblements. « Je suis désolée ! » m’excusai-je, me sentant particulièrement ridicule. Le retour fut difficile et je me sentis si vidée que je filai dormir aussitôt. Les jours suivants, je tins absolument à retourner en ville et y emmener les filles, pour ne pas me laisser submerger par ma peur mais je restais à proximité de Luciano et je ne le lâchais pas d’une semelle, il m’aidait à garder le cap.



« Je vais devoir contacter l’armée, leur dire que j’ai survécu ! » ne pus-je m’empêcher de balancer alors que nous étions en plein repas dans notre chambre, le départ pour la Sicile était pour le lendemain et j’étais nerveuse. « Et je ne veux pas qu’ils m’obligent à retourner là-bas, je ne pourrais pas. On fera quoi s’ils l’exigent ? On devrait peut-être appeler un avocat et puis un psychologue ou je ne sais pas. Promets-moi que je n’y retournerais pas, s’il-te-plaît ! » Je lui en demandais beaucoup et je savais qu’il ne savait pas me dire non quand je posai sur lui mes deux billes azur pleines de larmes. Mais je le mettrais dans la merde, je me détestais de le contraindre à ça. « Tous les jours, il y avait tellement de drames et d’horreurs. Je devais faire semblant de ranimer des enfants morts pour adoucir la peine de leurs proches, je devais laisser repartir des orphelins… Je ne veux plus de ça, je ne veux plus me demander si on ne me tombera pas dessus pour me violer ou me revendre. Je veux être avec ma famille, avec toi et Ettore et qu’on me fiche la paix. » Les cauchemars avaient commencé à s’inviter durant mes nuits et si je ne maîtrisais pas trop mal la journée, dès que la nuit tombait, je me sentais nerveuse et angoissée, si bien que je retardais toujours le moment de dormir. Quand je sombrais, je pleurais une grande partie de la nuit d’après les dires de mon époux, je pleurais en suppliant quand je ne parlais pas le peu d’arabe que je connaissais. Quand c’était plus violent qu’à l’accoutumée, il me réveillait pour tenter de me consoler. Mais je ne voulais pas qu’il porte ce poids là, ce poids que j’étais devenu. Je devais me faire aider pour qu’il souffre le moins possible de ce qui m’était arrivé. « Je ne veux pas que tu te sacrifies pour que j’aille mieux. Je peux te parler de tout et tout te raconter mais je vais sûrement devoir voir quelqu’un pour parler, pour éviter que tu deviennes mon infirmier plus que mon mari. Je dois me retrouver, pour prendre soin de toi, pour m’occuper de nous. On s’est mariés pour que tu aies un soutien pour affronter ton quotidien qui est parfois difficile, pas pour que je te complique la vie. Je suis contente d’être en vie, je suis là pour m’occuper de ma famille et je veux être en état de le faire. »




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Luciano Gambino
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La cruauté est essentielle si l’on veut conserver le pouvoir. Sans elle, on apparaît faible et les adversaires en profitent. Comme les chiens : celui qui aboie le plus fort devient le chef de meute. [Saviano]

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MessageIo la sentivo ancora profondamente mia  EmptyJeu 6 Avr - 19:29

 



IO LA SENTIVO ANCORA PROFONDAMENTE MIA  

FEAT. LYLA



Étais-je égoïste en la privant d’énoncer à voix haute nos plus beaux souvenirs ? N’étais-je pas en train de minimiser sa peine et son inquiétude au profit de la mienne ? Un peu. Je devais l’admettre, mais mon but n’était pas de l’accabler ou de la rendre coupable de son départ pour cette mission. Elle n’avait rien demandé. J’étais convaincue qu’au privilège du choix, elle aurait opté pour sa vie ici, avec son fils et moi, sur le domaine de mes parents. Nous n’y étions pas toujours chez nous. Ma mère nous téléphonait souvent pour nous convier à sa table sous le bon prétexte d’une préparation culinaire qui réclamait beaucoup de travail. Mais, cette effervescence faisait partie de notre quotidien, de notre équilibre, de notre bonheur finalement. S’il était bien un choix, dans ma putain de vie, que je ne regrettais pas, c’était d’avoir fait confiance à cette femme formidable qui puisait dans notre histoire la force nécessaire à affronter l’épreuve qui l’attendait. Je souffrais, oui, mais je n’étais pas celui qu’on arrachait à son existence et à son fils. Je n’étais pas celui qui évoluerait dans le sang et les bombardements. Jamais je n’aurais dû rabrouer Lyla parce que je redoute qu’il ne me reste bien plus qu’eux. Jamais je ne me permettrais de l’avouer d’ailleurs. Il n’était pas question que j’ajoute du poids à son inquiétude. « Dis plutôt que ça va être difficile de survivre sans les réconciliations après les disputes » me radoucis-je, saisissant la perche qu’elle me tendait pour réparer ma précédente erreur.

Je ravivai sa mémoire de toutes nos premières fois. Certaines étaient drôles, d’autres touchantes ou agaçantes et, bizarrement, ça me faisait autant de bien qu’à elle. Nous nous en créâmes de nouveaux à la hauteur de ceux contés dans la voiture. Qu’allais-je devenir sans elle ? Je peinais à marcher droit ces journées où mon agenda était si plein que je ne l’entendais que par téléphone. Je refusai d’y penser, mais ça me rattrapa fatalement lorsque le car qui l’emmena franchit la ligne d’horizon. Mon désarroi ne fit qu’empirer après de longues semaines d’un silence radio particulièrement angoissant. Un étau ceignait mon estomac. La douleur était de moins en moins gérable. J’avais parfois l’impression de n’être plus qu’un mort vivant, marchant, errant sans autre limite que celles imposées par Cosa Nostra. Autant dire que je respirai enfin lorsque j’eus le semi-plaisir de la voir et de l’entendre. Semi, car ce n’était pas suffisant à combler le trou béant que son absence creusait autour de moi. Je ne crachais pas dans la soupe cependant. C’était déjà mieux que ces jours de rien. « Je n’essaie pas de t’embobiner. » promis-je amusé par son air menaçant. « Je mange correctement. Tu crois que j’ai le choix ? Je suis gavé comme une oie par ma sœur et ma mère quand je suis là. » Girolama était d’ailleurs terriblement oppressante, raison pour laquelle je quittai le domaine. Je ne supportais plus qu’elle m’observe de ses grands yeux tristes en attendant que je lui révèle ce que moi-même j’ignorais : comment allait ma femme. « Tu leur manques beaucoup. Tu manques à tout le monde en fait, et je suis soutenu. » J’aurais bien ajouté : je ne suis pas un gamin, je sais m’occuper de moi tout seul, mais était-ce bien le moment de la contrarier ? Je lui assurai sans rien lui promettre que je rendrais visite à ses parents.

Je n’y avais plus mis les pieds depuis l’assassinat de leur fille et le meurtre par mes soins de son mari violent. Néanmoins, je ne choisis pas cette option par lâcheté ou par culpabilité. Non. Je le décidai parce que je vécus le silence de Javier comme un putain d’affront. Sauf que cette conversation avec Lyla ne se succéda d’aucune autre et, avant d’être obligé de leur annoncer moi-même la terrible nouvelle qui me frappa de plein fouet, je me présentai sur le pas de leur porte avec mon fils comme prétexte. La vraie raison, c’était cette nécessité de me rapprocher au plus près de ma femme en côtoyant les siens. Il y avait un peu d’elle dans chacun d’eux et c’était d’après moi plus sain que de la chercher dans une autre, fort amène et très jolie, mais qui ne serait jamais qu’une pâle copie de l’originale. Je me souviens m’être consolé d’avoir oublié ma rancœur avant qu’on ne déclare ma femme disparue. Partager l’information m’aurait été plus pénible encore, et alors que j’avançais qu’elle était en détresse, perdue, mais surtout vivante, ça n’aurait pas eu grand poids sur cette famille choquée presque endeuillée. Là, son père me serra dans ses bras. Sa mère me fit promettre de ne jamais abandonner et ce fut le serment le plus facile à promulguer. Je ne respirais plus que dans ce seul objectif : la ramener en Amérique.

Il en allait de mon salut et Ettore se montra particulièrement clément. À travers les ruines syriennes, son désert et malgré son hostilité, la retrouver était ma seule raison de vivre. Chaque type interrogé et parfois abattu par nécessité me privait de mon humanité. J’étais un animal aux abois à la tête d’une meute de loup prête à tout pour se nourrir. Ma faim ne s’assouvirait qu’une fois mon but atteint. Mon moteur, c’était l’espoir et la foi. Je priais beaucoup sous l’impulsion d’un Gabriele pieux et indémontable. Il était fiable et ma reconnaissance saurait s’en souvenir. Il était le bras droit idéal, cruel et solide. Aurait-il fait montre d’autant de hargne dans son couple et à creuser son trou auprès des siens qu’il y aurait gagnés. Je le pensai très fort, mais je n’étais pas en état de mener une conversation sensée et raisonnée. Mes obsessions m’empêchaient d’interagir normalement avec ceux qui me soutenaient dans cette épreuve jusqu’à ce que je puisse la prendre dans mes bras. L’instant se suspendit dans le temps, bien qu’il fut trop court. « Gabriele va s’occuper d’elles. Ne t’inquiète pas. » J’interpellai mon frère et je lui glissai quelques instructions en Sicilien à propos des filles. Elles avaient besoin d’un bon lit, de vêtements et de dignité.

C’était légitime et identique pour ma femme. Désormais, une seconde loin d’elle me semble plus que l’éternité elle-même. Une heure dans la salle de bain. Juste une. C’était déjà long même si j’en profitai pour me reconnecter à la réalité en permettant à l’émotion de me submerger pleinement. Elle ne s’était plus exprimée depuis un moment. Ce fut presque trop violent et j’appelai Manuel, pour le rassurer sur l’aboutissement de mon expédition et par réflexe. Je lui confiai mon ressenti, qu’il s’agisse de joie ou d’inquiétudes. Je raccrochai plus proche de ce que j’étais avant le départ de mon épouse, condition sine qua non pour répondre à cette impérieuse nécessité de la faire charnellement mienne. Évidemment, je me posai la question du « trop tôt ». J’offris même à ma conjointe la possibilité de faire machine arrière. Il n’était pas question de la brusquer, juste de la retrouver. « Je t’avais promis que je viendrais te chercher » chuchotais-je à son oreille tandis qu’elle rendait le jeu plus torride encore. Un soupçon trop quand on est seul, mais pris au piège d’un serment de fidélité. Qu’importe, nous avions devant nous la nuit entière – et le reste – et nous en profitâmes sans le moindre scrupule aussi longtemps et intensément que nécessaire.

Le lendemain, je n’étais pas envahi par le sentiment du devoir pleinement accompli, mais j’étais plus humain,  plus époux que sauvage. « Je ne sais pas si les coiffeurs sont bons ici, mais je vais demander à Gaby de se renseigner sur la question. Il va nous trouver une adresse. Autre chose pour Madame Gambino ? » m’enquis-je en embrassant le dos de sa main et en récupérant mon portable de celle qui était libre. Il était temps qu’elle renoue avec son petit monde. « Et il allait bien. Tu lui as beaucoup manqué évidemment, mais la Maruzella a fait un super boulot. Elle a placardé les murs de sa chambre de photos. Elle lui a même fait un album qu’il emmène partout. » J’évitai d’expliquer ô combien elle s’était attachée à notre fils au point d’être parfois excessive. Je comprenais ses réactions. Je ne lui en voulais pas et je ne désirais pas non plus prendre le risque que Lyla puisse la ressentir comme une quelconque menace à son équilibre familial. Elle aurait besoin de sa meilleure amie à son retour en ville. « J’ai vu tes parents aussi. Ils savent que je t’ai retrouvée. Gaby les a prévenus. Je suis allée leur rendre visite après notre dernière conversation. Dans l’absolu, tout le monde est en bonne santé. » Mais personne n’allait véritablement bien à New York. « Il y a tellement de gens qui t’aiment autour de toi. » Tellement qui ne supporterait pas qu’il lui soit arrivé quelque chose.

À l’imaginer livrée à elle-même en terrain hostile, ma tête s’emplissait d’ignobles suppositions que je souhaitais plus que tout mettre au clair. Délicatement cependant. Mes doutes la plongeraient dans la détresse, qu’il se soit passé quelque chose d’horrible ou non d’ailleurs. Elle craindrait que je l’aime moins si un autre homme avait posé les mains sur elle pour lui voler son intégrité et, dans l’éventualité où il ne s’était rien passé, elle redouterait que je ne la croie pas. Je choisis des questions ouvertes et imprécises sur ses compagnes de galère. Au moins, inconsciemment, elle m’avoua ce qui m’effrayait. Je n’eus qu’à tirer les déductions qui s’imposaient. Elle n’avait pas été violée et battue, car elle trouva sur son chemin des anges gardiens auxquels on arracha les ailes. « Je vais m’occuper de ses femmes. Ne t’inquiète pas. On va leur dégoter de faux-papiers. Elles feront le voyage jusqu’à’ la Sicile avec nous, et elles y resteront. Je ne peux pas me permettre de les ramener aux États-Unis par les temps qui courent. » Hors de question d’attirer l’attention sur nous et nos faussaires. « C’est le mieux que je peux faire si elles sont d’accord et si ça peut te faire du bien. Tu sais que tu pourras venir les voir quand tu voudras. Elles seront sous la protection de ma famille. » Je déposai un baiser sur son front. J’étais rassuré et amoureux. « On partira le plus vite possible et on demandera à Jez de nous l’amener. Gaby a l’air de se languir d’elle. » Ils ne nageaient pas dans le bonheur, mais elle n’était pas prête pour cette mise à jour là. Non ! Elle n’avait pas les reins pour prendre les emmerdes des autres sur ses épaules un peu de légèreté lui conviendrait mieux, comme, par exemple, une visite de cette ville où nous faisions escale. Bien sûr, j’étais bien conscient qu’elle n’avait pas envie, mais j’insistai, convaincu que s’enfermer dans une chambre hôtel retarderait sa réinsertion. Dans mon plan, qui me semblait implacablement logique, je n’avais pas prévu que nous étions bien trop près de la frontière et que de nombreux avions nous survoleraient. Elle se planqua, me tira à elle, se protégea de ses mains de Dieu seul savait quel danger. Je la rassurai d’instinct avec une impatience d’ange. Des excuses n’étant pas requises, nous rebroussâmes chemin dès qu’elle fût calmée, à défaut d’être détendue. Si elle se sentait mieux à l’hôtel, nous y resterions pour le reste de la soirée. Nous referons une tentative, ailleurs, sur l'île de mes origines. En attendant, je nous commandai tous ses plats préférés, exigeant du service d’étage qu’il décore la table avec soin et raffinement.

« Tu ne vas contacter personne, mon cœur. Tu vas te sortir tout ça de la tête et tu vas me laisser gérer. Il ne te cherche pas. Il n’y a pas de raisons de se précipiter pour être honnête. Les gens plus catholiques que le pape n’y ont jamais rien gagné que je sache. » Au contraire. C’était toujours les dindons de la farce, systématiquement, et mon épouse ne serait plus jamais de ceux-là. « De toi à moi, il serait gravement culotté d’exigé quoi que ce soit de toi compte tenu de la facilité avec laquelle ils ont abandonné les recherches. Dieu que l’Amérique est belle. » crachais-je avec ironie pour finalement dessiner les contours de mon infaillible plan. « Andrea s’occupe de ton dossier. J’ai pris contact avec un psy. Je ne sais pas ce qu’il vaut, mais on peut toujours en changer au cas où, s’ils ne nous donnaient pas ce qu’on voulait, mais je ne pense pas que ça devrait poser un problème. Il te suffira de grossir un peu le trait et de te souvenir des symptômes du choc post-traumatique. Ça nous laissera tout le répit dont on a besoin pour attaquer à notre tour. » J’attrapai ses doigts qui pianotaient à côté de son assiette un rythme nerveux. « Il n’est pas question que tu y retournes. Jamais. Ce sera un combat difficile, mais ce n’est pas l’administration qui me fait peur. » Il n’était pas non plus envisageable, à mon sens, qu’elle trinque à cause de la perfidie de Ruben. Son engagement, c’était à lui qu’elle le devait. Elle avait fui tout le mal qu’il lui fit. Il avait déjà payé. Maintenant, c’était à moi de balayer devant la porte de ma femme les merdes qu’il laissa derrière lui. « Tout ça, c’est terminé et, si ça te fait du bien. En rentrant, on rendra aussi visite aux familles de tes coéquipiers. On ira voir s’ils n’ont besoin de rien. » Car, cette fois, il n’était plus question qu’elle se sente redevable à Dieu d’être l’unique survivant. « Enfin, si tu le souhaites, mais je crois que ça pourrait te faire du bien. J’ai beau lutter, tu aimes bien penser aussi aux autres. » Tant qu’il ne passait pas avant moi, son fils et elle-même, pourquoi pas ?

Le dessert achevé, je l’invitai à se reposer. Un long voyage nous attendait et j’avais bien remarqué qu’elle dormait mal. Elles étaient agitées de tremblements. Parfois, elle se réveillait en sursaut. La conséquence, c’était mon sommeil de moins en moins réparateur. Je la surveillais, la consolais, l’apaisais, me dévouais complètement à son bien-être. C’était mon rôle, je ne m’en plaignais pas et je fus presque vexé qu’elle tente de m’en dédouaner. « Et dans tout ça, je t’apporte quoi, moi ? » m’enquis-je en sondant son regard. « Je n’ai rien contre l’idée que tu vois quelqu’un. Je n’ai même pas la prétention de penser que je puisse t’aider. Par contre, c’est important pour moi d’être là, moi aussi, pour m’occuper de toi. » Je soupirai, triste de m’être montré si désagréable. « Et, ça commence maintenant… Par des petites vacances en Sicile. Jezabel devrait arriver deux jours après nous. Je sais que c’est long sans ton bébé, mais il te faut un peu de patience. Je suis sûre que ça va te changer les idées de te balader dans les orangeraies. » Je glissai un baiser dans son cou juste avant d’embarquer. Je respirais déjà mieux et le phénomène amplifia dès que je posai le pied sur le sol de mon île et que je récupérai ma famille au grand complet.

***
Les jours suivant les retrouvailles entre une mère et son fils – elles me bouleversèrent, mais je restai discret – rien ne compta plus que nous. Puis, à mesure qu’elle reprenait du poil de la bête, elle se préoccupa d’appeler ses proches. Elle discuta longuement avec chaque Canjura et tous les Gambino qu’elle affectionnait. Tous se languissaient de la retrouver, tous hormis la Cinzia qui se hâta de passer le combiné au suivant. En tant que témoin de ce que je qualifierais d’égarement, je n’étais pas vraiment surpris Lyla, laissé jusqu’alors dans l’ignorance, c’était douloureux. J’en eus confirmation une après-midi ensoleillée durant laquelle elle profita de la terrasse, son PC sur les genoux, prête à se débattre avec un mail adressé à sa meilleure amie. J’aperçus les premiers mots par-dessus son épaule. Je l’espionnais parfois. Je n’appréhendais pas une tromperie quelconque, mais les conséquences de son petit manège habituel. Elle jouait les filles fortes, mais je savais qu’elle se cachait pour pleurer et qu’elle subtilisa des médicaments dans une armoire à pharmacie afin de trouver le sommeil. Ses cauchemars l’empêchaient d’être totalement heureuse d’être en vie et je ne la blâmais pas. J’étais inquiet pour elle de l’effet qu’ils pourraient avoir sur elle et sur nous. Je n’avais pas changé d’avis sur les camisoles chimiques. C’était moi qui devais détenir le rôle d’antidépresseur. Moi et uniquement moi. Je m’installai donc à ses côtés après avoir embrassé sa tempe et vérifié d’une politesse si elle allait bien. Visiblement, oui, mais le tracas se lisait sur son visage. « Ce n’est pas de ta faute. Elle ne t’en veut pas. Elle n’a aucune raison d’être fâchée après toi. C’est avec elle qu’elle a un problème pour le moment. »

Maintenant qu’Ettore avait retrouvé la place qui était sienne au coeur de bras de sa mère, je n’ai plus forcé de me taire. Je n’y trouvais par ailleurs aucun intérêt. Elle ne souffrirait pas pour des broutilles pour des peccadilles contre lesquelles elle était armée. Je n’aurais pas mis ma main à couper qu’elle apprécierait mes révélations, mais dans l’absolu, savoir ne pourrait lui faire aucun tort sur le long terme. J’amenais cependant les choses avec douceur. « En réalité, c’est un peu de ma faute si vous en êtes là. Je ne pouvais pas rester H24 avec le petit. Je lui ai déposé une fois ou l’autre. J’ai fini par emménager chez Mani parce que c’était plus facile pour moi et j’ai eu de plus en plus de mal à récupérer le petit. Ça n’a pas été évident de ne pas penser à sa propre expérience. J’aurais dû y réfléchir avant de lui confier Ettore, mais j’ai cru qu’elle était guérie de la perte de son bébé. Elle avait l’air d’aller bien.  On suppose qu'elle se sent coupable d’avoir réagi comme ça avec Ettore. Elle n’a jamais cherché à se l’approprier. Comme je te l’ai dit, elle lui a beaucoup parlé de toi, mais tout ça a réveillé en elle son désir d’enfant. Sauf que Manuel n’est pas chaud du tout… Elle ne le vit pas très bien, ce que je peux comprendre, mais je sais pourquoi Mani s’y oppose. » Elle lui donnait l’impression d’avoir complètement pété les plombs. « Mais, sois patiente, bébé. Elle reviendra vers toi tôt ou tard. Elle ne sait pas faire sans toi. À moins, bien sûr que tu lui en veuilles. »

Ce n’était pas exclu. J’avais fait les frais à maintes reprises de sa possessivité envers son fils. Sur l’heure, je tolérais qu’il dorme avec elle, ce qui m’obligeait à me réfugier dans le divan parfois. C’était l’un des nombreux autres sujets que j’avais envie d’aborder avec elle, car je m’y opposerais tôt ou tard et qu’il était nécessaire de tâter le terrain afin de ne pas la prendre surprise et la braquer. « Que dirais-tu si nous rentrions la semaine prochaine ? Les filles ont l’air de bien s’acclimater. On leur a trouvé un petit boulot. Mon oncle leur a engagé un prof d’italien particulier pour favoriser leur intégration. Plus rien ne nous retient ici, et je t’avoue qu’il est temps que tu voies quelqu’un avant que ça ne dégénère... Je sais que si tu dors mieux, ce n’est pas par la force du Saint-Esprit. » Elle n'ignorait pas non plus ce que j'en pensais, mais je ne lui confiais pas mes craintes pour la mettre à l’aise. Alors, je changeai de siège, je déposai son ordinateur sur la table basse et je l’entourai de mon bras pour la presser contre mon torse. « Je comprends, mais j’ai pas envie que ça dure et là, j'aimerais que ça soit qui fasse un effort pour saisir ce que je ressens. » Elle avait tout pour ce faire. Nous en avions longuement discuté à une époque.

« Si c’est vraiment nécessaire, on s’arrangera, mais je ne veux pas que tu fasses d’automédication. Te faire suivrei comme tu l'as suggéré ne sera pas une mauvaise idée. Je te l'ai dit, j'ai pris contact avec un psy déjà, mais Manuel en a trouvé un super et je me dis que ça pourrait peut-être te faire du bien d'aller la voir elle. Il paraît qu'elle est très efficace et, sinon, elle pourrait te confier quelqu'un qui va t'encadrer et te suivre. Je n’essaie pas de refiler le bébé, tu sais. Je serai toujours là. Je suis ton mari. Je suis là pour veiller sur ton bonheur. Et, rentrer, ça ne sous-entend pas dire que tu devras reprendre le travail tout de suite. Si tu souhaites juste profiter de ton fils et de passer du temps sur le domaine avec lui, je n’y verrai aucun inconvénient. » Ça m’arrangerait, mais je préférai garder cette information pour moi. « On trouvera les solutions qui s’imposeront le moment venu si nécessaire. Avant, il faut qu’on règle ta situation et que tu me dises ce qui s’est passé avec la connasse qui a déposé une plainte contre toi. C’est en cours de régularisation avec Andrea, mais je ne sais pas pourquoi elle est en rogne et je suis certain que c’est une histoire hilarante. Tu me la racontes ? » la taquinais-je d’un coup de coude facétieux.




 




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