Je me rendais souvent sur le domaine de mes parents, au minimum une fois par semaine, histoire de m’assurer que ma mère allait bien et qu’elle ne manquait de rien. Toutefois, ce jour-là, je n’avalais pas sans respecter les limites de vitesse les kilomètres qui me séparaient du Bronx de Staten Island pour les mêmes raisons. Apprendre de la bouche de Jandro qui donnait son maximum pour approcher la gamin à laquelle était fiancée avec le plus de douceur possible, que la dite jeune fille se cherchait un tas d’excuses pour ne jamais le rencontrer me mit dans une rage folle. Je comprenais Bianca. J’espérais bien franchir la porte de l’immense demeure Gambino plus calme pour ne pas l’effrayait. J’estimais simplement qu’elle ne mesurait pas les risques de son comportement, qu’elle se tirait une balle dans le pied et qu’il était grand temps qu’on lui rappelle qu’elle était dépourvue du loisir du choix. Il était important qu’elle saisisse que la patience de son fiancé était un cadeau qu’il lui offrait et qu’il était utile de ne pas en abuser si elle ne voulait pas être violée le soir de la nuit de noces ou peut-être avant pour qu’il démontre qu’il était le maître à bord de son destin. Autant dire que la retrouver au milieu de la cuisine, attelée à une recette quelconque, à danser sur une chanson révélatrice de son état d’esprit ne m’aida pas à l’aborder avec délicatesse. Ni une ni deux, je coupai la musique et, les bras croisés, je la toisai de ma faible hauteur.

« Dis-moi, chérie, tu ne serais pas en train de te foutre de la gueule du monde par hasard ? » lui lançais-je appuyée contre le plan de travail. «  Je viens de quitter Jandro qui m’a expliqué qu’il t’avait proposé de passer, ici, pour que tu te sentes plus à l’aise et que tu lui as inventé que tu allais à la bibliothèque travailler. En venant, je ne sais pas pourquoi, j’étais certaine que je te trouverais là, du coup, je voudrais savoir de qui tu te moques. » Le ton changeait. Je me repris donc en me servant un verre d’eau. « Tu sais, ma puce, je comprends que ça ne soit pas facile pour toi, mais tu ne vas pas y réchapper. Alors, ce serait bien si tu évitais de mettre qui que ce soit en colère afin d’être certaine que tu seras pas lancée dans le mariage la semaine prochaine. Ce n’est pas facile de vivre à deux. Ça ne l’est pas quand on choisit son partenaire, alors je te laisse imaginer quand on ne le choisit pas et qu’il n’était même pas une option envisagée ou envisageable. Tu en as discuté un peu avec Jezabel ? Elle pourrait t’aider à trouver le juste milieu pour que tout se passe pour le mieux, tu ne crois pas ? » Je détestais trancher le vif du sujet en me montrant aussi radicale, mais avais-je seulement d’autres solutions ?